Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/98

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l’Académie vos droits à l’héritage qu’elle vous a confié.

Mais j’oublie que vous m’avez prescrit de passer sous silence vos essais dramatiques ; que, pour éloigner de vous un parallèle qui vous effraye, vous voudriez n’entrer ici qu’à titre de romancier. N’espérez pas qu’on vous écoute. Nous ne permettons pas ces sortes de sacrifices. Vous nous devez tout votre esprit, toutes vos œuvres : je n’en laisserai pas dans l’ombre un des côtés les plus brillants. J’admets pourtant cette prédilection que le roman paraît vous inspirer. Votre penchant vous porte à observer et à décrire ; vous vous plaisez à distinguer les plus délicates nuances ; vous savez l’art de lire dans les mystères du cœur, d’en raconter les joies, les tourments, les blessures ; tous ces dons qui demandent à s’épanouir librement, qu’en faites-vous lorsqu’il faut vous astreindre à ces formes brisées, à ces développements rapides et discrets que le théâtre impose ? Évidemment, vous êtes plus à l’aise dans le récit que dans l’action. Aussi je ne m’étonne pas que, dès vos premières paroles, vous ayez salué avec reconnaissance les modernes conquêtes du roman. Je comprends ces hommages qui vous tenaient au cœur, ce tribut amical qu’il vous tardait d’offrir à vos rivaux. On peut vous trouver généreux, peut-être même un peu prodigue, de partager votre couronne en si nombreuse compagnie ; mais ce n’est pas l’Académie qui songerait à s’en plaindre. Vous avez tenu son drapeau d’une main ferme, sans complaisance. Vous n’avez fait espérer des droits qu’en proclamant des devoirs. Puissiez-vous seulement ne pas trop présumer des heureux effets de l’exemple ! Puissent nos récompenses devenir vraiment des leçons, et l’appât de cette noblesse, dont vous nous faites dispensa-