Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/438

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d’amitié avec Alexandre Dumas fils, a dessiné de lui, à cette époque, un charmant portrait où l’on voit le jeune homme dans toute la grâce de son printemps, mordant à belles dents à la grappe du plaisir : « Qui n’a pas connu, écrivait Autran, Dumas fils à vingt ans, ne sait pas ce que peuvent être les qualités les plus séduisantes de la jeunesse. S’il a fait des victimes en ce temps-là, je n’en veux rien savoir, mais je crois que le Père éternel leur aura pardonné, car la séduction était vraiment trop forte. Toutes les facultés qui, plus tard, se sont produites chez lui avec tant d’éclat s’y faisaient déjà pressentir. Ce n’étaient pas encore les fruits, c’était la plus précoce et la plus riche des floraisons… Dans ce glorieux héritier d’un nom illustre, il y avait déjà un poète, un philosophe, un moraliste, et par-dessus tout un causeur étincelant. Il avait des mots qui partaient comme d’éblouissantes fusées ; il avait des pensées qui ouvraient sur le monde moral les horizons les plus inattendus. Je ne dis rien de sa personne, une vraie figure de héros de roman, comme en rêve une jeune femme penchée à son balcon[1]. »

Ce philosophe dont parle Autran, ce moraliste qui perçait déjà sous le jeune mondain, ne pouvait pas se contenter longtemps d’une vie bruyante et désœuvrée. Alexandre Dumas fils se lassa vite de passer les nuits à retourner des cartes, de se lever tard, de vivre dans le jour « avec des maquignons, et le soir, avec des parasites… » D’ailleurs une nécessité impérieuse l’obligeait à enrayer : il n’avait ni capital ni revenus. Un matin, il s’é-

  1. (J. Autran, Lettres et notes de voyage).