Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/469

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Avec vous, du moins, cette équivoque de l’opinion a son excuse. Le poète, en effet, n’est jamais absent de vos peintures provinciales. Elles ressemblent à ces tableaux hollandais, qui représentent des intérieurs bourgeois avec des fenêtres ouvertes sur une perspective de campagne. C’est le poète, chez vous, qui peint ces fonds de verdures et de forêts, tandis que l’observateur, initié par son labeur quotidien à toutes les petitesses des petites gens, modèle les physionomies du premier plan. Vos personnages se divisent nettement en deux groupes : les uns, que j’appellerai des âmes de province, sont de la lignée de votre grand-père et de votre grand’tante ; les autres sont, — pour reprendre un mot spirituel d’un autre romancier, — des âmes de sous-préfectures, en qui vous avez discerné et marqué très nettement la plate médiocrité de la classe moyenne, lorsqu’elle se réduit, comme fait trop souvent la nôtre, à une existence de fonctionnaires ou de petits rentiers. Quoique vous ayez, emprisonné, vous aussi, dans la geôle, prudemment pratiqué dans ces études de mœurs, la devise que je citais : « Plus penser que dire », une conception très nette de la vie française se dégage de ces romans et en forme la philosophie. Vous croyez que la plante humaine ne vaut que par la force du terroir, par son attachement aux vieilles et simples mœurs, par la rentrée dans la nature. Vous considérez que l’attrait fascinateur de Paris, cette conséquence morale de l’excessive centralisation, est une des pires causes d’appauvrissement pour notre vie nationale. Vous aimez et vous célébrez les êtres de coutume et de tradition, tous ceux qui ont demandé le secret de la force et de la santé intérieure aux souvenirs de leur race