Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Tue-la. » Il avait eu beau les traiter « d’êtres illogiques, subalternes et malfaisants », déclarer que la pire folie pour un homme était de mettre sa vie et son honneur dans les mains de ces créatures « dont le principal souci est de s’habiller tantôt comme des sonnettes, tantôt comme des parapluies », elles lui pardonnaient et ses anathèmes et ses boutades, parce qu’il était aussi celui qui avait écrit : « J’ai toujours fait ce que j’ai pu pour empêcher une femme de descendre quand je l’ai vue en haut, et pour la faire remonter quand je l’ai vue en bas… » Elles lui savaient gré même de ses duretés pour elles, parce qu’elle y voyaient la preuve de la tragique importance qu’il attachait au problème de l’amour. Il les discutait, il les critiquait, mais il les comprenait. Elles avaient pour lui des reconnaissances de pénitentes pour un directeur de conscience, intelligent de leur sensibilité comme un complice, secourable comme un ami, et cependant inflexible comme un juge. La morale qu’elles venaient recevoir, ou du moins écouter, dans la salle du Gymnase ou celle du Théâtre-Français était quelquefois bien amère quand la pièce s’appelait la Visite de Noces ou la Femme de Claude, bien hardie quand cette pièce s’appelait les Idées de Madame Aubray, bien persifleuse, sinon bien outrageante quand cette pièce était l’Ami des Femmes ou le Demi-Monde. Mais c’était une morale issue de la vie, frémissante d’expérience directe, et comme encore brûlante de la flamme des passions où l’auteur s’était jeté pour l’en arracher. À ce prédicateur laïque, tout langage était bon pour dire sa pensée. Tantôt il la causait, cette pensée, sur le ton railleur, j’allais dire avec la blague d’un vieux garçon adossé à une cheminée, dans un cercle parisien Vous vous rappelez. Lebonnard dans la Visite et Stan dans