Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le fauconnier quitta un long pistolet d’arçon qu’il fourbissait et se leva.

– Que demandez-vous ? lui dit-il.

– L’hospitalité.

– Entrez. Ce que j’ai est à vous. Si vous avez faim, vous mangerez ; si vous avez soif, vous boirez ; et pour si pauvre que je sois, j’ai toujours un lit pour le voyageur que Dieu conduit.

En parlant ainsi, le père Guillaume avait découvert son front ; ses traits honnêtes, ridés par le travail, gardaient une expression de dignité qui le faisait paraître au-dessus de sa condition.

– Je vous remercie, dit l’étranger ; ma visite sera courte. Quand votre fils sera revenu, je partirai.

Guillaume l’interrogea du regard.

– Oh ! reprit son hôte, il ne court aucun danger. Avant que la lune se soit levée, il sera de retour. Je suis un marchand d’Arras qui vais, pour les affaires de mon commerce, à Lille ; le pays est mauvais, et j’ai pensé que votre fils pourrait, plus sûrement que moi, se charger d’une valise laissée aux mains de mon valet à Witternesse. On ne saurait trop prendre de précautions dans les temps où nous vivons.

Tandis que l’étranger parlait, Pierre, Claudine et quelques enfants, d’abord épars dans le jardin, s’étaient doucement rangés autour de lui, avec cette avide et farouche curiosité qui cherche mille détours pour se satisfaire et s’étonne de tout ce qu’elle voit. Guillaume les écarta du geste et pria l’étranger de le suivre, à quoi celui-ci se soumit sans délibérer.

– Vous avez raison, reprit le fauconnier quand ils furent parvenus dans la salle basse de la maisonnette, nous vivons dans un temps où il faut s’entourer de précautions. Mais dans la maison d’un honnête homme il n’en est pas besoin ; ainsi, mon gentilhomme, ne vous gênez point pour déguiser votre langage et vos manières.

À ces mots, l’étranger tressaillit.