La Déroute obéit ; mais tandis que Pierre se couchait à la droite de Belle-Rose, le sergent se mit à sa gauche.
– À présent, camarades, laissez là les outils et apprêtez les armes ! D’un coup de pioche je vais jeter ce pan de muraille à bas ; aussitôt que les Espagnols nous verront, ils feront feu.
– C’est-à-dire que vous attraperez tout ! murmura la Déroute d’un air jaloux.
– Oui, tout ou rien, répondit Belle-Rose en souriant, et il continua : – Vous ne vous lèverez qu’après qu’ils auront tiré ; mais alors levez-vous tous ensemble et sautez sur eux. Attention maintenant.
Belle-Rose prit une pioche à deux mains, la plus lourde, et frappa. Au troisième coup la terre s’écroula, une large brèche s’ouvrit, et l’on vit les Espagnols qui abaissaient leurs mousquets.
– Feu ! cria l’officier qui les commandait.
Mais au cri de l’officier, Belle-Rose s’était jeté à plat ventre ; toute la décharge passa par-dessus sa tête. Au milieu de la poussière et de l’obscurité, les ennemis n’avaient rien vu.
– Debout ! s’écria Belle-Rose d’une voix tonnante, et il s’élança le premier, suivi de près par son frère et la Déroute.
Les Espagnols, surpris, furent tués sur place ou désarmés. Ils étaient dix dans la chambrée. Au dernier coup de pistolet il n’en restait que trois debout. Belle-Rose s’empressa de faire murer l’ouverture avec des pierres et des décombres ; il attacha le pétard, déroula la mèche et donna l’ordre à la Déroute de ramener sa petite troupe. Quand elle eut repassé le fossé, Belle-Rose mit le feu à la mèche et il s’éloigna, mais pas avant d’avoir vu le soufre et la poudre pétiller. La Déroute était sur le revers du fossé, allant et venant sans prendre garde aux coups de fusil que les fuyards tiraient sur lui en quittant le rempart.