les portières avaient été soigneusement cadenassées. Deux ou trois heures après, des maraîchers passant sur la route entendirent des gémissements qui partaient de cette voiture abandonnée ; ils brisèrent les panneaux et délivrèrent les prisonniers. Bouletord, fou de colère, demanda tout d’abord à l’exempt s’il n’allait pas se mettre à la poursuite des fugitifs. L’exempt, tout étourdi de l’aventure, répondit à peine ; il fallait voir, il fallait attendre, il fallait s’informer. Bouletord pétrissait la route à coups de talons de bottes.
– Eh bien ! dit-il à l’exempt, donnez-moi votre commission et j’irai tout seul.
L’exempt tira sa commission de sa poche ; Bouletord la lui arracha et partit. Bouletord connaissait M. de Louvois de réputation ; avec un tel ministre, il ne s’agissait que de réussir pour être approuvé. Au moment de la fuite, Bouletord avait remarqué la direction que suivaient Belle-Rose, la Déroute et son complice. Le chemin dans lequel ils étaient entrés le conduisit à Ivry. Une bonne femme qui ramassait des herbes pour sa vache avait vu trois cavaliers courir du côté de Saint-Mandé. À Saint-Mandé, un enfant qui pillait un verger avait entendu le bruit de leur fuite sur le chemin de Charonne ; à Bagnolet, ils s’étaient arrêtés chez un forgeron qui avait tiré un clou du sabot d’un cheval. Ainsi, de village en village, Bouletord était arrivé sur la route de Saint-Denis.
– Ils vont en Angleterre ! se dit-il, et il se jeta sur leurs traces.
La commission, signée du ministre et scellée du sceau de l’État, le faisait obéir de la maréchaussée ; il prenait des hommes dans chaque ville et les quittait à la ville prochaine. L’accident de Belle-Rose et celui de Cornélius lui firent rattraper le terrain qu’ils avaient d’abord gagné. À Cormont, Bouletord atteignit les fugitifs ; on a vu comment il les avait dépassés. Belle-Rose n’était guère