qu’à trois ou quatre lieues de la mer ; il ne s’agissait donc plus que d’arriver à quelque hameau de pêcheurs où l’on pût trouver une barque en état de passer le détroit. Le carrosse avançait rapidement. Comme ils touchaient au sommet du monticule, Cornélius, qui regardait en avant, s’écria : « La mer ! la mer ! » Mais au même instant la Déroute, qui regardait en arrière, s’écria : « Bouletord ! Bouletord ! » La mer battait le rivage à une ou deux lieues du monticule ; Bouletord revenait à toute bride. La Déroute sauta sur la tête des chevaux et les arrêta.
– Vite ! à terre ! s’écria-t-il.
Et en trois coups de couteau il en eut coupé les traits. Belle-Rose et Cornélius étaient déjà sur la route ; on ne laissa aux chevaux que le mors et la bride, et les deux officiers, montant à poil, suivirent la Déroute qui courait ventre à terre. Le soleil allait se coucher ; la mer roulait ses vagues d’or, et l’on voyait à l’horizon fuir des voiles blanches comme des ailes d’oiseau ; au loin mugissaient sourdement les grandes lames qui battaient la côte. Tour à tour les fugitifs regardaient la mer, où était leur salut, et Bouletord qui bondissait à leur poursuite. Bouletord avait vu le carrosse ; l’action des voyageurs les avait fait reconnaître ; au moment où Belle-Rose et Cornélius partirent au galop, un cri de rage jaillit des lèvres du brigadier ; il enfonça ses éperons sanglants dans le ventre de son cheval et dépassa toute sa troupe d’un bond. La course était furieuse, insensée, haletante. L’écume volait des naseaux rouges des chevaux, qui rasaient le sol ; leurs flancs poudreux se tachaient de gouttes de sang ; Belle-Rose et Cornélius les piquaient avec la pointe de leurs épées ; Bouletord était lancé comme la pierre d’une fronde. Mais Belle-Rose et Cornélius avaient de l’avance, et la Déroute, qui les précédait d’une centaine de pas, dévorait l’espace qui le séparait de la mer. La poursuite durait depuis un quart d’heure ; les chevaux haletaient ; déjà Belle-