Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/366

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mains un petit crucifix d’ébène et d’ivoire ; elle se recoucha et attendit l’heure où Dieu l’appellerait. La prière remplissait le couvent de ses murmures divins. Suzanne regardait le visage de Gabrielle avec des yeux pleins de tendresse et pressait contre sa poitrine la boîte où cette pauvre fille avait mis tout son cœur. La cloche sonnait toujours. On voyait par l’étroite fenêtre un pan du ciel bleu où souriait la lumière ; les arbres frémissaient, et les hirondelles passaient à tire-d’aile en poussant de joyeux cris. Les bruits de la ville montaient comme un son vague et confus. Gabrielle avait l’air de s’endormir : son visage était calme et reposé comme celui d’un enfant. On se taisait autour d’elle comme si l’on eût craint de la réveiller, et la prière se faisait silencieuse. Vers le soir, au coucher du soleil, elle ouvrit les yeux et se releva. Ses regards cherchèrent Suzanne, à qui elle sourit, puis le ciel. Elle vit l’horizon pourpre et les grandes clartés jaunes qui rayonnaient dans l’azur lointain. Elle pressa le christ de ses lèvres blanches, tendit le bras vers le ciel et tomba morte. Toutes les sœurs se levèrent le cœur serré ; Suzanne bondit vers le lit de Gabrielle et chercha sur sa poitrine d’une main tremblante. Le cœur ne battait plus ; il n’y avait plus de souffle entre ses lèvres. Suzanne colla sa bouche au front candide et pur de la jeune vierge, et répéta tout bas le serment qu’elle lui avait fait, pensant que son âme pouvait l’entendre. Puis, ayant fermé les yeux de la morte, elle rabattit le drap sur son visage.

– Prions Dieu, mes sœurs, dit le prêtre en jetant de l’eau bénite sur le corps de celle qui n’était plus.

Et tout le monde s’agenouilla.