Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/430

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– C’est une fameuse idée ! s’écria Grippard, qui trouvait merveilleux tout ce que la Déroute disait.

– Si bien que vous vous exposez à être tués pour nous sauver, dit Belle-Rose.

– Oh ! pour être mort on ne l’est pas encore, murmura le sergent.

– Écoute, reprit Belle-Rose, nous avons couru tant de périls ensemble, que nous n’avons plus le droit de nous séparer. S’il plaît à Dieu de nous en envoyer d’autres, ils nous trouveront réunis. Toi avec nous, ou nous avec toi : choisis.

– Allons ! s’écria la Déroute ; et, pressant la main du capitaine, il engagea son cheval dans le chemin qui s’ouvrait sur la gauche.

Le projet des fugitifs était fort simple ; ils comptaient, au bout d’une dizaine de lieues, gagner une ferme dans la campagne, y passer la nuit, et rentrer le lendemain dans Paris, où l’on ne songerait pas à les chercher ; puis, à la première bonne occasion, ils auraient joint M. le duc de Luxembourg et se seraient mis sous sa protection immédiate. Le chemin qu’ils suivaient devait les conduire à Pontoise. Les chevaux étaient vigoureux, la nuit limpide, le ciel lumineux. Le cœur de Suzanne s’ouvrit à l’espérance. Elle jeta un long regard vers l’horizon, du côté de Paris, où s’allongeait la flèche dentelée de la cathédrale de Saint-Denis, et sourit à son fiancé. Une joie sans bornes inondait l’âme de Belle-Rose.

– Maintenant, le malheur ne peut plus nous atteindre ! dit-il en pressant Suzanne contre son cœur.

– Ne tentez pas Dieu, dit-elle d’une voix grave.

– Oh ! s’écria-t-il, nous sommes libres et vous m’aimez !

Les chevaux broyaient la route de leurs sabots ; on poussa jusqu’à Franconville.

À Franconville, la Déroute frappa à la porte d’une auberge, et demanda un sac d’avoine, qu’il paya sans marchander.