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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/519

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enfermés à l’abbaye, où nous avons eu soin de leur préparer un logement ; la Déroute et Grippard sont en avant, vos postillons ne se doutent de rien ; ils ont des fouets et nous avons des pistolets. Causons.

M. de Charny déchirait sa poitrine à coups d’ongles.

– La mésaventure vous rend taciturne, mon cher monsieur, reprit Belle-Rose. Ce silence ne me donne point une haute idée de votre philosophie. Il faut prendre le temps comme il vient. Vous avez bien joué, et vous avez perdu ; ce n’est point votre faute, et à votre place, il me semble que je m’en laverais les mains ; par exemple, la partie était bien engagée. Voyez ! si Cornélius et moi ne nous étions pas pressés, nous étions enlevés tout net, peut-être même tués. Le plan était joli. J’en ai trouvé les détails dans la poche de cet aimable vaurien que vous appeliez tout à l’heure. N’est-ce pas Grain-d’Orge que vous le nommez ? Escalade, effraction, rapt, rien n’y manquait ; on aurait, au besoin, poussé jusqu’à l’assassinat. Il s’en est fallu de vingt-quatre heures que le plan ne fût mis à exécution. Ma foi, je n’ai pas voulu qu’une si belle invention fût perdue par le seul fait de mon départ ; j’ai fait remettre le tout à Mme de Châteaufort, qui en appréciera l’exquise délicatesse. Il est seulement fâcheux que vous vous soyez donné tant de mal pour rien. Mais vous êtes homme à prendre votre revanche, mon bon monsieur.

M. de Charny n’avait rien perdu de sa colère, mais déjà il ne la montrait plus ; il écoutait Belle-Rose d’un air grave, comme s’il se fût agi entre eux de choses sur lesquelles on lui demandait son avis. À ces dernières paroles, il s’inclina avec un sourire amer.

– Je vois, reprit Belle-Rose, que vous m’approuvez ; seulement, vous me permettrez bien de vous donner un petit avertissement : faites en sorte que nous ne nous rencontrions plus face à face ; cette dernière rencontre pourrait vous être fatale.