pensée revenait à la charge comme ces ennemis légers et tenaces qui harcèlent un bon chevalier errant dans les sables. Peut-être aussi étaient-ils morts. Des pleurs succédaient alors aux déchirements de leur cœur. On ne se lassait pas non plus d’entretenir les prisonnières de Jean de Werth, et de M. de Pappenheim. Les fleurs qu’elles trouvaient dans leur appartement, les fruits dorés qu’on leur présentait dans des corbeilles d’argent, c’étaient eux qui les leur envoyaient. Avec eux, elles auraient richesses, honneurs, plaisirs, le rang, la considération, tous les biens qu’on peut envier. Si elles s’obstinaient, au contraire, à les repousser, la solitude serait leur partage jusqu’à ce que leur jeunesse s’éteignît dans les austérités glacées d’un cloître. Il ne fallait donc pas qu’elles se fissent aucune illusion. Il n’était pas question sans doute de les marier par surprise et contre leur gré, l’intervention du légat les avait délivrées de ce péril ; mais, après le légat, le duc de Friedland ayant prononcé, on leur donnait un temps pour réfléchir : c’était comme une sorte de noviciat. Elles ne sortiraient du château, où on leur ménageait encore quelques plaisirs, que pour être ensevelies dans un couvent. Inflexibles, elles étaient leurs bourreaux et ne pouvaient s’en prendre à personne qu’à elles-mêmes du sort qui leur était réservé.
Ces discours revenaient sous toutes les formes ; le moine franciscain les commentait d’une voix mielleuse ; Mme de Liffenbach les développait d’un air d’autorité. On espérait ainsi lasser les deux cousines et les amener par la fatigue et le désenchantement à une capitulation qui devait combler tous les vœux de Mme d’Igomer. Elle avait, pour l’attendre patiemment, les longs plaisirs du supplice moral qu’elle infligeait aux deux captives.
L’attente, l’inquiétude, le tourment de ne rien savoir et de tout craindre, la persécution quotidienne, les incertitudes versées