Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/246

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lui ! Est-ce au moment où la Providence nous rend à la liberté, que vous devez penser à punir ?

M. de Chaufontaine, qui allait parler, se tut.

— Adrienne a raison ; il est captif, il ne peut rien contre nous : pitié pour lui ! reprit Mlle de Pardaillan.

— Vous le voulez ? dit Renaud. Eh bien ! qu’il vive !

Le corps de Mathéus, à demi soulevé par l’effort de Carquefou, retomba à terre.

— C’était cependant une belle occasion et un bel arbre ! reprit celui-ci, tout en faisant un nœud solide autour du chêne desséché.

Et il suivit Magnus, qui déjà courait vers l’endroit où M. d’Aigrefeuille attendait avec ses dragons.

Armand-Louis, Renaud, Adrienne et Diane venaient de disparaître dans l’épaisseur de la forêt.

Rudiger marchait derrière eux ; une sorte de pitié l’avait saisi en voyant le corps de celui qui avait été son chef couché par terre, le visage bouleversé par les approches de la mort.

Il regarda en arrière et aperçut le gouverneur, qui se tordait sur l’herbe : Carquefou n’avait pas beaucoup desserré la corde roulée autour du cou de Mathéus, un mouvement trop brusque pouvait le précipiter, en outre, dans le gouffre dont les abîmes s’ouvraient à dix pieds de lui. Pour Mathéus, la mort était partout.

Rudiger revint sur ses pas.

— Voilà que je me fais bon ! est-ce bête ! se dit-il.

Mathéus, qui l’entendait marcher, souleva la tête avec effort et le regarda.

— J’étouffe, murmura-t-il d’une voix qui n’avait presque plus rien d’humain.

Rudiger mit un genou en terre et lâcha le nœud de la corde.