Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/323

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brocs d’eau-de-vie, dit-il ; moi, je vais me mettre en sentinelle là-bas.

Lorsque Magnus parlait, Carquefou avait pour habitude d’obéir sans raisonner. Tandis que Magnus se dirigeait vers la porte que le courrier venait de franchir, Carquefou s’enfonçait dans une ruelle voisine, bien déterminé à trouver les flacons et les brocs tout pleins, fallût-il mettre au pillage les caves de toutes les hôtelleries.

Bientôt après, le courrier sortit de chez Jean de Werth, Magnus l’aborda, et, l’ayant invité à se rafraîchir, le conduisit vers l’endroit où il avait laissé Carquefou.

Carquefou avait le vin et l’eau-de-vie.

— Eh ! Carquefou, dit Magnus, en faisant sauter le goulot d’une bouteille, un ou deux coups ne vous feront pas de mal. Vous m’avez l’air d’un homme qui a trop couru pour n’avoir pas soif.

— J’ai le gosier sec comme du vieux cuir, et le palais dur comme de la corne, répondit le cavalier, qui saisit la bouteille à deux mains et colla ses lèvres au goulot.

Cette accolade fraternelle disposa le courrier aux confidences ; il ne cacha pas aux deux bons compagnons qui lui faisaient un si grand accueil qu’il était sur les dents pour avoir galopé tout le jour, et que la perspective de servir de guide à Jean de Werth pour une nouvelle expédition le consternait.

— Voilà trois nuits que je ne dors pas, dit-il.

— Bah ! le général vous donnera bien le loisir de faire un somme, répondit Magnus, qui lui passait un nouveau flacon.

— Point. Il s’agit de partir tout à l’heure ; les dépêches que je lui ai remises étaient fort pressées, et il n’est pas homme à perdre un long temps.

Magnus échangea un coup d’œil avec Carquefou.