Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’arrière-cour, et, les mains cachées sous les larges manches de sa robe, le capuchon tombant sur son visage, une ceinture de corde autour de la taille, il sortit.

Derrière lui venait une file de moines ; la litière marchait en tête. L’aube blanchissait à l’horizon, mais quelques étoiles brillaient encore dans le ciel. Une troupe de cavaliers saxons, qui rejoignaient l’armée suédoise, buvaient le coup de l’étrier sur la porte. Maître Innocent allait de l’un à l’autre, portant dans ses bras une cruche au ventre pansu. Il tremblait malgré lui, et n’osait pas regarder du côté de la litière, ni du côté de l’écurie.

Magnus était alors debout sur la porte de l’écurie ; Carquefou, assis sur une borne, étendait méthodiquement des tranches de saucisses sur un morceau de pain.

— Maudite trompette ! murmurait-il, je dormais si bien !

Magnus fit un pas vers la litière.

— Un de nos jeunes moines que la fièvre a saisi cette nuit, dit Mathéus. Priez pour lui, mon frère.

Une sorte de gémissement sortit de la litière ; la voix des moines qui psalmodiaient l’étouffa, et le cortège s’éloigna.

Magnus regarda du côté de l’horizon, où l’on voyait une mince bande couleur d’opale.

« Allons ! pensa-t-il, dans une heure nous partirons aussi. »

Et il rentra dans l’écurie.

Carquefou le suivit en bâillant et s’étendit sur une botte de paille.

— Maudite trompette ! répéta-t-il en fermant les yeux.

Maître Innocent gagna au pied, tandis que les cavaliers saxons distribuaient à leurs chevaux quelques bottes de foin et quelques poignées d’avoine, et, sautant sur un bidet vigoureux caché au fond d’un caveau, il se dirigea sournoisement