Page:Achard - Rosalie de Constant, sa famille et ses amis, II, Eggimann.djvu/106

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Au premier moment Rosalie s’abandonna au délice d’avoir reçu une lettre de lui, de se dire que peut-être elle était « l’être qui manquait à son bonheur », cet être qu’il chercherait à travers le monde entier et « qui savait si bien parler au cœur » et puis… pourquoi faut-il sentir partout la feuille de rose qui blesse ? Et puis elle tourna et retourna ce pli ; elle remarqua qu’il ne venait pas directement de Paris, que son nom sur l’adresse n’était pas écrit de la main qui avait signé « De Saint-Pierre. »

— Ah ! s’il avait été induit en erreur, si sa réponse avait d’abord été adressée à une autre femme et que cette femme m’eût cherchée et finalement découverte !

« Quelle sottise j’ai faite ! Cette femme parlera et je vais être la risée de tous. Et lui. Pourquoi, si vraiment « j’ai su parler à son cœur », n’est-il pas parti pour me chercher et me trouver, au lieu de livrer notre secret au hasard de la poste ? Non, j’ai eu tort de croire un instant que le bonheur pût s’arrêter chez moi. Vite écrivons lui quelques lignes bien sèches, bien cérémonieuses, où je le prierai de brûler mon absurde billet et de ne plus s’occuper de moi. »