de soleil, et cette autre sur qui traînaient les premières ombres du soir ajoutant encore à son auguste et suprême mélancolie : la Campagne Romaine…
Ce soir, à neuf heures, Rome est déserte. Erré par les rues, du Palais de Venise au Pincio. Le Palais de Venise, rose dans des flots d’électricité, avec les trous d’ombres noires de ses rares fenêtres sur sa façade sévère. Le Corso est noyé dans les mêmes vagues de lumière, d’une limpidité, d’une transparence inexprimables. De l’autre côté de la place de Venise, tout est noir. Sur le Corso, les vicoli s’ouvrent, noirs aussi dès l’entrée ; mais les yeux s’habituent ensuite aux ténèbres qui paraissent être l’état normal de ces ruelles éclairées de loin en loin par les lueurs jaunes du gaz. Pas une âme. Il fait un peu froid, un froid sec qui passe en courants d’air le long des maisons. Au fond du ciel les étoiles semblent s’agiter ; on les perçoit nettement, larges et scintillantes et très blanches. À terre, de petits pavés irréguliers encadrés de dalles forment trottoir au même niveau que la chaussée. Le moindre bruit de pas résonne sur ces dalles, au loin, s’avance, grossit, puis s’efface : un passant quelconque à qui je dois sembler un être bizarre, si lent à marcher, à glisser contre les murs sombres percés de hautes fenêtres aux grillages ventrus, sous les madones des encoignures, le long des palais aux allures prodigieuses, uniques peut-être, dans ces villes d’Italie, cl’où ne sort aucun bruit, aucune clarté. Du noir, du vide et le silence absolu… Rome me plaît ainsi.