Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/249

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tile ; la comtesse était trop faible pour pouvoir parler ni entendre.

La tête couverte du châle de Mathilde, Melück alla au-devant de la foule qui cherchait la comtesse ; reconnue pour telle par la servante, elle fut également conduite au lieu du supplice.

C’était Frenel qui présidait, en proie au plus violent désespoir ; il avait Saint-Luc à son côté. Porter au comte un secours que lui dictait son cœur, c’était aller contre la plus simple prudence, et augmenter contre lui la fureur du peuple. Cependant il profita de l’autorité que lui donnait son nom de commissaire, et comme Saint-Luc s’apprêtait à enfoncer son poignard dans le cœur du comte, Frenel saisit ce dernier, et le sauva pour un instant du moins ; mais rien n’aurait arrêté Saint-Luc s’il n’avait aperçu Melück, à qui l’on avait enlevé le châle, et qu’il reconnut aussitôt :

— Source de ma honte, lui cria-t-il, cause de mes malheurs, deux fois, en vain, j’ai voulu te conquérir, alors que j’étais un homme d’honneur, j’y réussis maintenant que je suis un misérable ! Pauvre pigeon, pourquoi es-tu venu me tomber dans les mains, pour que je te torde le cou ?

Melück, sans daigner jeter un regard à l’infâme Saint-Luc, dit à demi voix à Frenel :