Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/27

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tenant écoute-moi ; puisque tu as si envie d’être revenant, tu peux te satisfaire ; c’est une idée qui me vient, et nous pouvons en profiter.

— Qu’est-ce donc, dit Bella, tu as l’air d’hésiter ?

— Voici ce que c’est ; il n’y a pas à plaisanter dans ce que je vais te dire. Le prince Charles passait à cheval, hier, devant cette maison, avec son précepteur Cenrio ; il demanda d’où venait que cette maison fût ainsi fermée et abandonnée. Cenrio lui raconta comme quoi les revenants avaient écarté tous les acheteurs et tous les locataires ; mais le prince, au lieu de s’en effrayer, jura qu’il voulait passer tout seul une nuit dans cette maison, et qu’il saurait bien en chasser les esprits. Tu comprends qu’il peut à tout moment venir ici, et ses gens garderont si bien les issues, qu’aucun de nous ne pourra entrer ni sortir.

— Quoi, Braka, dit la jeune fille, je pourrais donc voir le prince ; j’ai si souvent entendu parler de lui, on dit qu’il est si beau, si noble, qu’il monte si bien à cheval !

— Tu penses beaucoup au prince et pas à notre salut, continua la vieille ; es-tu capable de jouer le revenant ? cela nous sauvera.

— Pourquoi pas, dit Bella ; mais comment faire ?

Et elle continua sa lecture.