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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/306

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dégoût et d’une telle horreur, qu’elle tomba sur son lit les yeux fermés, en proie à une attaque de nerfs.

Dans le même instant l’héritier du Majorat vit disparaître tous les personnages qui remplissaient la chambre ; sa bien-aimée était seule, abandonnée à d’affreuses douleurs, il résolut de la secourir. Il descendit rapidement l’escalier, mais, se trompant de porte, entra dans une chambre qu’il ne connaissait pas. En face de lui et de sa lampe se dressaient d’effrayantes ombres couvertes de plumes, et dont le nez rouge ressemblait à un bonnet de nuit accroché à un bec monstrueux.

Il se sauva et sauta sur le toit pour regagner sa chambre. Là, il regarda autour de lui ; il était environné de calmes et saintes images, de pieux symboles, de blanches colombes ; la sensation de se voir ainsi entre le ciel et l’abîme, l’aspiration à la paix du ciel, dont les emblèmes l’entouraient, apaisèrent les tempêtes de son âme et le rendirent calme comme l’huile, en même temps que le pressentiment que la terre n’aurait bientôt plus besoin de lui réveilla tout son dévouement pour Esther.

Mais au milieu de ces rêveries transcendantes, apparut la réalité coiffée d’un bonnet de nuit serré autour de la tête par un ruban, des lunettes sur le nez,