Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chaque goutte de lait que les nouveau-nés enlevaient à l’étranger, et qu’après avoir longtemps hésité, elle résolut d’enlever tout doucement un des petits, et alla le porter sur le gazon au bord du ruisseau. Après l’exécution, elle s’enfuit aussitôt pour qu’il ne la suivît pas ; mais à peine avait-elle fait quelques pas, qu’elle entendit un bruit dans l’eau, et en se retournant, elle vit le petit chat emporté par le courant ; cela lui fit de la peine ; ce corps porté sur l’eau lui rappelait son père innocent qui avait pris le même chemin, et elle fit involontairement un mouvement pour se jeter à la rivière ; mais elle s’arrêta au bord. Elle comprit qu’elle venait de faire quelque chose de mal : le ciel s’obscurcissait sur sa tête, la terre refroidissait sous ses pieds, autour d’elle l’air s’agitait ; elle rentra précipitamment et se mit à pleurer. Lorsque le petit homme s’en aperçut, au moyen de ses yeux de derrière, il se prit à rire si fort, que la chatte effrayée sauta du berceau, en emportant un de ses petits entre ses dents. L’homme-racine était maintenant assez éveillé et assez fort pour être sevré : seulement, avec des manières d’enfant, il avait l’air d’un petit vieux ridé.

Voyant que la mauvaise action que venait de commettre Bella l’avait irritée contre lui, il s’approcha