Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/68

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mais la plus jeune restait silencieuse, et solitaire comme une tourterelle. Les deux sœurs faisaient tous leurs efforts pour plaire au chevalier, mais sans y réussir. Présent était comme autrefois Passé, tandis que Passé avait un visage panaché, semblable à une statue d’albâtre qui serait restée longtemps exposée sous une gouttière ; mais Avenir était resplendissante de beauté, et ses cheveux avaient une couleur charmante et uniforme. Cependant, pour connaître le sentiment de la plus jeune, il se montra très aimable auprès des deux aînées ; mais la cadette restait toujours muette et réservée, tandis que ses sœurs s’enorgueillissaient de l’apparente préférence du chevalier ; il reconnut alors sa fiancée, et lui mit au doigt l’autre moitié de l’anneau. La pauvre fille, tout à l’heure délaissée, était au comble de la joie ; le pape arriva en ce moment, et les bénit. Lorsque les deux époux furent allés se coucher, les deux sœurs aînées furent prises d’un si violent désespoir, que l’une se pendit, et l’autre alla se jeter à l’eau.

Dans la nuit le génie, portant le corps des deux sœurs entre ses bras, apparut pour la dernière fois chez le lansquenet, et lui dit :

— Tu as rempli tous tes devoirs envers moi ; j’y gagne encore, puisque j’ai ces deux sœurs, et toi tu