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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

dix heures un quart, c’est un calme complet !… À onze heures seulement, on sent qu’il va se passer quelque chose. Les cloches de la cathédrale s’ébranlent. Le vent apporte à certains moments des bribes de cantiques. Des curieux commencent à retenir leur place au bord du trottoir. Les enfants, avec des roseaux coupés, font des sifflets,

Arlette est descendue au salon. À travers les plantes et la fournaise des bougies, elle verra parfaitement le défilé. Mais, en attendant, toutes ces flammes répandent une odeur désagréable de suif et de fumée. Elle préfère venir à la porte où elle aura une vue d’ensemble de la rue :

— Bonjour mademoiselle Arlette.

Jacques de Fleurville passait. Elle est si surprise qu’elle rougit jusqu’au bout des oreilles. Elle s’enfuirait volontiers. Certes, il ne lui déplaît pas de le revoir. Depuis leur victoire au tennis, si glorieusement gagnée, elle a maintes fois pensé à lui. Mais l’idée qu’il pourrait la dédaigner, après qu’elle lui aurait laissé deviner le secret de son âme, lui fait peur. Il n’y a pas jusqu’à la rupture, qui pourtant permet à son espoir de renaître, qui trahit aussi la légèreté de son caractère !

Elle répond froidement :

— Bonjour, monsieur…

— Oh ! ce ton !… moi, qui suis venu exprès dans l’enclos pour vous apercevoir, ne serait-ce que de loin !

— Je cherche ce que vous voulez dire…

— Comment ?… ce que je veux dire ?… Mais je veux dire que je vous trouve de plus en plus charmante… que nous formerions une équipe invincible…

— Une équipe ?

— Au tennis.

— Ah ! bon !

— Que vous devriez encore organiser une tombola… que nous avons les mêmes goûts… que nous détestons au même point les vieilles filles… que nous aimons également Paris… que mes fiançailles sont rompues et que je suis bien content… et enfin… enfin, que vous avez une robe blanche aussi exquise que vous-même…

Arlette ne put s’empêcher de sourire.