Ernestine remet à ce moment à Arlette une carte postale :
— Le facteur a apporté ça pour vous…
— De qui est-ce ? demande Telcide.
— C’est de mon amie Jacqueline…
— Il me semble qu’elle vous écrit beaucoup depuis quelque temps.
— Beaucoup ?… c’est-à-dire que, depuis quinze jours, elle m’a adressé quatre cartes… voici la cinquième.
— Vous m’avez dit, je crois, que vous aviez été élevée avec elle…
— Oui, ma cousine… Généralement elle vit en Angleterre. Comme elle est à Paris pour deux mois, elle m’écrit :
— Que fait son père ?
— Il est dans les ambassades.
— Où habite-t-il ?
— Faubourg Saint-Honoré.
— Comment s’appelle-t-il ?
— De Verlone… Jacqueline a dix-neuf ans, des cheveux noirs, des yeux bleus. Elle monte à cheval et joue au football. Je l’aime beaucoup.
— Je ne vous en demande pas tant !
— Excusez-moi de vous laisser, ma cousine. Ces odeurs, cette fumée, cette humidité âcre me grattent la gorge…
— Il faudra pourtant bien que vous vous y habituiez…
Arlette remonte dans sa chambre. Elle a hâte d’embrasser cette carte, dont la gravure populaire lui semble si belle puisqu’elle représente l’Arc de Triomphe. Jacques tient parole. Que de choses elle lit dans cette phrase banale : « Avec mes meilleurs embrassements, Jacqueline. » Ainsi elle s’évadera bientôt de cette maison triste où chaque jour amène sa corvée et son nettoyage. Elle retournera vers ce Paris admirable !… Finie, l’existence médiocre ! finis les jours sombres ! finies, les récriminations acerbes d’une Telcide hargneuse. Ah ! Jacques ! Jacques ! comme Arlette vous aime !
— Coucou ! ma petite cousine…