Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/160

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ils rentrèrent. Avec l’eau d’une carafe répandue sur un mouchoir, maman Virginie pansait la figure d’Omer. Elle l’avait assis près d’elle, au salon des colonnes. Après quelques minutes, ils entendirent se combattre deux voix hautaines et querelleuses au vestibule du cabinet jaune : la porte venait d’en être ouverte. À l’instant de congédier, la voix du bisaïeul protestait avec noblesse :

― Je désire, monsieur que vous sauviez de la ruine mon petit-fils… Vous le pouvez certainement,… et je vous y invite au nom des liens qui unissent tous les Enfants de la Veuve, dont vous êtes.

― Hé ! Monsieur, ― répondait l’autre aigrement. ― l’ignorez-vous ? Le Suprême Conseil de la Stricte Observance a suspendu les obligations de tous nos ateliers envers les loges françaises à l’obédience du Grand Orient, qui tolère l’exécrable tyrannie de Buonaparte. L’ordre du Suprême Conseil exige que la Ligue de la Vertu arme tous les adeptes contre la fortune de Napoléon. Le roi de Prusse, l’empereur d’Autriche et mon maître le tsar Alexandre, tous trois Illuminés comme nous, ont obtenu que la sentence d’interdit frappe celui dont l’ambition monstrueuse opprime l’Allemagne depuis huit années, ravageait hier les champs de Moscou, et poursuit le massacre de millions d’hommes. Déjà Bernadotte et Moreau ont obéi aux prescriptions du Suprême Conseil. Tous vos maréchaux philadelphes supplièrent eux-mêmes Buonaparte à Wilna, il y a deux ans, d’arrêter sa course sanglante à travers notre sainte Russie. Dès le mois de juin dernier, lors de l’armistice, ils ont renouvelé leurs remontrances ! En vain, Buonaparte renie les serments qu’il prononça entre les mains d’un vénérable dignitaire, dans la loge de Malte. Le roi Murat, son beau-frère, vient de se soumettre aux injonctions supérieures et marche contre vos armées. La lutte n’est plus entre les souverains et les peuples, entre les