Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/184

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des bêtes fines à queue longue, avant les huit chevaux blancs de l’attelage que guidaient à la main les écuyers de l’empereur en livrée verte chamarrée d’or sur les courbes des coutures ; ceux-ci marchaient à la tête des animaux solennels franchissant au pas la voûte de la porte, l’ombre de la couronne immense. " le voilà ! Le voilà !… " murmurèrent les visages innombrables. Un monsieur hissa sur ses épaules une femme qui secouait son mouchoir. " vive le roi ! " proférèrent quelques voix isolées parmi l’attention muette. Ce furent dans la calèche, deux dos traversés d’une moire azur, deux perruques poudrées, et, vis-à-vis, l’ombrelle blanche inclinée devant la toilette neutre d’une dame, à côté d’un gros vieillard au large dans un habit bleu, figure enfouie entre deux monstrueuses épaulettes d’or. " la duchesse d’Angoulême !… le roi !… vive le roi ! " cent tricornes de prêtres s’élevèrent de la foule, parmi les lampions à cocardes blanches, les chapeaux à la façon de La Rochejaquelein, les feutres bretons enrubannés de noir, et les têtes vociférantes… " vive le roi ! " le vieillard saluait, se pliant contre ses énormes cuisses culottées de satin blanc ; on apercevait ses guêtres en velours rouge liséré d’or. " vive le roi ! " proclamèrent, aux premiers étages des maisons, les bouquets de figures. Le canon approuva. Les cloches prolongèrent la bienvenue. La calèche avançait suivie par la chevauchée des maréchaux à poitrines d’or. " à l’île d’Elbe, Berthier ! à l’île d’Elbe ! " rugirent soudain mille fureurs écloses aux figures ouvrières. Le boulevard était coupé par la garde nationale depuis la porte jusqu’à la rue saint-Denis. Derrière le rang, au milieu de la chaussée, la houle de la multitude s’exaspéra ; les haines s’excitaient ; des poings se levèrent et s’abattirent, des casquettes volèrent : " à l’île d’Elbe ! à l’île d’Elbe ! " scanda cette foule. " vive