Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/386

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étapes en vingt jours ; ça m’a rappelé le bon temps de la campagne d’Iéna, quand on poursuivait l’ennemi jusqu’à Stettin, et que les culottes mouillées collaient à la peau du postérieur. Ça me pince encore dès que j’y pense… Ouf ! me voilà donc à Paris.

« Au débotté, ce matin, j’ai vu la comtesse de Praxi-Blassans, à qui j’ai remis le paquet et le message dont mon père m’avait chargé à Béfort, de la part de Virginie. Elle m’a dit que la femme de cette canaille d’Augustin est fort malade ayant pris froid au bal du ministère de la guerre. Il paraît qu’on l’entourait beaucoup ; on la félicitait du grade dans l’état-major des jésuites que S. M. T. C. vient de conférer à ton oncle. Sache, à ce propos, que le gredin s’appelle maintenant d’Héricourt, avec apostrophe… Quelle calotte il recevrait de son brave jacobin de père, si celui-ci vivait ! Quoi qu’il en soit, la pauvre dame a eu très chaud dans la cohue. Elle a été prendre l’air au balcon ; et depuis, elle tousse. On lui a tiré cinq palettes de sang pour la sauver de la congestion. Il faut que tu lui écrives un petit mot d’encouragement… C’est une fameuse belle femme encore, et qu’on ne saurait trop soigner par billets doux quand on approche de seize ans. Les dames sont toujours sensibles à ces attentions, et les récompensent.

« Je t’écris ce poulet à la hâte, sur le papier de l’estaminet où nous déjeunons, après un assaut d’armes, quelques militaires de mes amis et moi. Il y a là un M. Hénon, chef d’institution de son état, qui n’est point pour cela un cuistre. Il vient de nous dire, sur la gloire des armées républicaines, des choses qui mettent une larme à l’œil. Nous offrons un repas d’adieux à quelques sous-officiers et soldats du 45e de ligne qui vont former garnison à La Rochelle et qui sont tous de notre bord. J’ai cru me retrouver au milieu des brisquards de la garde impériale, tant ils parlaient en vrais soldats ; surtout un nommé Bories et un certain Goubin, qui n’ont pas