Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/534

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bien étirés vers les hautes coques de la coiffure… Aurélie n’ôta point le masque de lumière que lui faisaient les joyaux de ses mains, mais elle soupira ces mots :

― Denise ! Denise ! n’entends-tu pas pleurer l’espoir de nos trois vies, Denise ?… au moins des deux vies qui t’ont engendrée, Denise !…

Alors un frisson terrible tordit l’enfant sur les genoux de sa mère, et elle s’écria, sans lever la tête :

― Je ne peux pas entendre… je ne peux plus entendre… Je suis l’épouse d’Augustin, car j’ai obtenu qu’il fît de moi sa femme… avant le sacrement…

L’angoisse d’Aurélie cria.

Et pendant que Mme  Héricourt étreignait les poings de sa fille, la repoussait, l’interrogeait, pendant que Denise, de hoquets en sanglots, confessait les visites secrètes du général, comment il chevauchait, chaque midi, jusqu’au domaine de Saint-Cloud, et les hymnes de séduction, et toute la comédie : le saut de loup que franchit le cavalier pour baiser la main de la jeune fille pour abuser ensuite d’une innocente, d’une imprudente, d’une ardente enfant, Omer pensait : « L’espoir même de mon père est anéanti à cette heure, après son corps tué à Presbourg, après ses triomphes abolis à Waterloo… L’espoir même de mon père est vaincu… Tout ce qu’il crut sacré, le voilà vaincu… »

Aux exclamations de ces fureurs et de ces douleurs, reparut le général.

― Augustin, Dieu vous pardonne !… Voici votre femme, ― accorda Mme  Héricourt.

― Qu’on appelle mes gens ! priait Aurélie : je veux partir.

Le général releva tendrement Denise et la conduisit à un siège. Puis il déclara :

― Omer je vous en donne ma parole d’honneur, je rendrai la générale Héricourt la femme la plus glorieuse de France !