Page:Adam - La Force (1899).djvu/18

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tage. Puis il eut honte, car il se rassasiait. Les soldats souffraient de faim. Le capitaine, peut-être, inspectait la ligne des postes. Où courait Mercœur alors ? Les cris des houzards cessèrent, comme le piétinement des chevaux. Inquiet de cet apaisement subit, le maréchal des logis leva le visage.

Groupe silencieux, les hommes examinaient le bois. Evidemment, ils apercevaient des forces.

Héricourt se remit sur les jambes. De la mains, Auscher indiqua la futaie. Les arbres, successivement, se dédoublaient. A côté de chacun surgit un soldat. Il fallut reconnaître les plaques de cuivre marquant les bonnets a poil des Autrichiens, leurs cheveux sans poudre, les justaucorps blancs. Hermenthal décrocha de la bandoulière son mousqueton et vérifia l’amorce.

Sans finir d’avaler, Bernard redressa le cheval à coups de bottes ; il enjamba la selle. Furieux contre l’indocilité des hommes, il ne contraignit plus sa rage et se haussa sur les étriers, avide d’assaillir le péril. L’imminence de la gloire l’excitait encore… Il murmura : « Scipion, Cincinnatus, César. » Il prévit à son front le poids du laurier vert, et se félicita de l’escarmouche qui justifierait, devant les chefs, l’abandon du poste, la disparition de Mercœur, la blessure du grison. Le sabre en l’air, il appela les cinq demeurés sur la hauteur. Ils accoururent. Les autres montraient les gros pains serrés dans les courroies des havresacs, au dos des Autrichiens. Chacun guida son cheval à l’abri des arbres, et tenta d’épauler le mousqueton en l’appuyant contre l’écorce.

Bernard compta les ennemis. Devrait-il battre en retraite ? Mais les houzards voulaient le pain des grenadiers ; et ils goguenardèrent, déclarent qu’ils le dévoreraient plutôt entre les épaules des fuyards. Pour s’être rassasié clandestinement, Héricourt s’at