Page:Adam - La mésaventure, La Revue indépendante, Juin 1888.djvu/2

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rieuses, non si haut levé que le prétendu n’ait pu concevoir l’ironie de sa froide denture.

Ah, Maman ! quel chagrin ! quelles gronderies à subir ; et si justes ! Et ce pauvre frère, spahi en un lointain Sénégal, combien de temps encore faudra-t-il restreindre sa modique pension mensuelle afin de payer, sans amoindrir la dot, les appeaux fournis par le couturier ?

Le pauvre frère ! en un lointain Sénégal. Palmiers et cactus comme dans la serre de Madame Ephraïm… Vivre dans une serre toujours, avec un grand manteau rouge, une chéchia et un sabre… Le pauvre frère !

Mais enfin pouvait-elle initier ce mâle hirsute et velu aux mystères de son corsage indécis et, devant ces prunelles charbonneuses, dérouler la noble sarabande de sa chevelure aventurine et, en cette barbe touffue, plonger la lueur impeccable de ses ongles. Plutôt renier le Destin !

Le minuscule miroir serti d’ivoire et blotti en sa jupe de soie bleue, ne la marque-t-il pas immuable pour toute lutte ; svelte, cuirassée d’or vert et de pourpre, les bras longs et pâles, la gorge basse, inéclose mais déjà battante sous la gaze safranée du fichu. Altièrement culmine au casque de sa coiffure un papillon de diamants. Les mille facettes des élytres rient vert et bleu à l’ampleur de la lune neuve entre les cinq étoiles d’une constellation oubliée. Sur le parterre firmamental, elles luisent par-dessus les pavillons internationaux, les eaux gourmandeuses, les toits de la ville, les belvédères et les spires de la valse.

Quant aux fauves étangs de ses yeux, elle craint d’y penser. Ces deux trous à l’âme la décèlent trop naïve et trop ouvertement quêteuse d’expérience. Ils la désolent.