Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’un sur la musette et l’autre sur la vielle, vinrent au milieu du fer à cheval exécuter des morceaux que Rameau avait composés exprès pour cette occasion. À minuit on se rendit à l’église Saint-Eustache, qui était aussi magnifiquement illuminée que l’hôtel qu’on venait de quitter.

Rameau avait obtenu de M. Forcroy, organiste de la paroisse, de lui laisser toucher l’orgue pendant la célébration du mariage. Il le fit avec une grande supériorité ; c’étaient ses adieux à cet instrument, et jamais il n’avait été si bien inspiré. Le lendemain, il reçut du chevalier Bernard, une gratification de 1,200 livres pour les soins qu’il s’était donnés. Depuis longtemps M. Bazin était payé, et Mme Rameau était on ne peut plus heureuse. La bonne Mlle de Lombard partageait toute sa joie. On avait beaucoup parlé des fêtes du mariage du marquis de Mirepoix, et la bonne exécution du concert avait fait le plus grand honneur à Rameau. Son opéra devait le lancer tout à fait, les répétitions partielles étaient très-satisfaisantes ; mais l’envie ne dormait pas ; la jalousie des musiciens répandait partout que c’était une musique bizarre, incompréhensible, s’éloignant de toutes les règles reçues, et bonne tout au plus pour les savants et les amateurs de l’extraordinaire. La grande répétition vint enfin ; les musiciens dont se composait l’orchestre de l’Opéra étaient à leur poste. Malgré la mauvaise volonté qu’on avait eu soin d’exciter parmi les exécutants, tout alla assez bien jusqu’au second acte, celui de l’enfer ; mais quand arriva le passage enharmonique du trio des