Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/275

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qu’il souffrait de le voir monter à un quatrième étage. Corancez, ami de Rousseau, et qui avait introduit auprès de lui le chevalier Gluck, voulut savoir la raison de ce changement : « Ne voyez-vous pas, dit Rousseau, que si cet homme a pris le parti de faire de bonne musique sur des paroles françaises, c’est pour me donner un démenti ? » Gluck traduisit cette bizarrerie par son véritable nom, il la prit pour une grossièreté et refusa de jamais revoir Rousseau.

Grétry vit également rompre la liaison qu’il avait commencée avec cet être insociable. Cette sauvagerie affectée cédait cependant, lorsqu’on laissait entrevoir qu’on n’était pas dupe de ce moyen facile de se faire une réputation d’étrangeté. À un dîner chez Mme d’Épinay, Rousseau nouvellement installé à l’Ermitage, dit qu’il ne manquerait rien à son bonheur s’il possédait une épinette. Un des convives, grand amateur de musique, lui en fit porter une le lendemain, sans se faire connaître. Rousseau manifesta sa joie de posséder cet instrument, sans s’inquiéter d’où il pouvait venir. Un jour, il vint plus soucieux que d’habitude chez Mme d’Épinay.

— Qu’avez vous, lui dit-on ?

— Hier, répondit-il, il est tombé, du haut d’une armoire, une pile de livres sur mon épinette, et, depuis cette commotion, l’instrument est tellement discord que je ne puis m’en servir.

— Eh bien ! dit le donateur anonyme qui était présent, ce n’est rien, demain je vous enverrai mon accordeur.