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NOTRE-DAME DES MERS MORTES

bordage, accompagnent en frottant de l’ongle d’épineuses guzlas. Les hommes chantent. Un enfant de quinze ans, pas plus, d’une beauté ambiguë et merveilleuse, debout à la proue, comme se dressant sur la mer aux flammes multicolores des feux de bengale, la tête raidie se renverse en délire… enivré de lui-même. Et la lune le revêt d’un suaire pâle, comme d’une lente caresse blanche. Tout autour des chanteurs des nuées de gondoles, les suivant telles que des hirondelles d’eau, telles que des iris noirs coupés dans des contrées fabuleuses. La voix mélancolique et âcre prend des résonnances tragiques avec le silence. Maintenant les feux de bengale se sont éteints, minces floraisons de rêve, éclatantes lumières. Il ne reste plus que des torches dont la fumée noire éperduement tourbillonne et rehausse les choses d’un relief d’eau-forte. La voix devient moins claire et plus triste, les mots s’arrêtent et sanglotent, toujours plus âcres, toujours plus nostalgi-