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NOTRE-DAME DES MERS MORTES

de manuscrits savants et dorés, de livres jaunis aux coins des pages et où elle s’était tant amusée. Ah, les jolies images, les frèles enluminures, les naïves histoires dont elle faisait ses fêtes !… Le parc était immense avec, autour de la villa, des essences rares, des arbres tout à fait du sud. Des palmiers et des orangers, des massifs de verveine si touffus que les oiseaux y bâtissaient leur nid, en pleine ivresse ; des cèdres et de grands rosiers sauvages dont les petits bras, dont les larges fleurs accrochaient en passant, des aloës plantés sur les rocs aigus, des bambous fuselés, un bois de laurier rose.

Et on avait vendu cela pour avoir un morceau de pain, parce qu’il leur fallait du pain. On avait vendu cette merveille à une américaine sentimentale qui deux années y était venue promener ses trop jeunes amants. Depuis, tout était resté fermé, les volets, les portes, la bibliothèque, et des herbes folles et des lierres partout avaient poussé.