Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/189

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malice. De retour dans sa chambre avant l’aube, il n’adressait guère la parole à Hawa au cours de la journée.

Cette union qui durait depuis un an offrait à Goha des jouissances régulières et saines. Sa conscience n’en était pas troublée quoique le Koran au vingt-septième verset du chapitre IV interdise l’intimité d’un homme avec sa nourrice. Ignorant les prescriptions du prophète, il commettait le péché avec d’autant plus d’innocence que Hawa s’y prêtait sans la moindre retenue.

Un matin, comme il sortait de la maison, il entendit un rire strident. Il n’y prit garde et s’éloigna. C’était Amina qui, postée à la fenêtre, essayait d’attirer son attention.

On était au Ramadan, le jeûne durait depuis une semaine. Nour-el-Eïn, obsédée par la pensée de Goha, ne parvenait pas à mettre son âme en un parfait état de piété et voyait avec angoisse approcher l’heure où le sort des êtres serait fixé pour l’année entière.

— Ah ! si je pouvais savoir ce qui sera écrit ! disait-elle à Amina. Je suis dans le crime, je serai punie… Je vois devant moi des jours noirs, des semaines noires…

Cependant Goha cheminait vers Ghézireh. La veille son père lui avait lu la description du paradis où les fruits sont toujours mûrs, l’eau toujours fraîche et les corps toujours en santé. Goha savait où se trouve le paradis. Il l’avait découvert, de loin, dans son enfance. Il n’avait confié son secret à personne par une sorte de crainte superstitieuse.