Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/190

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Lorsqu’il longeait le Nil son regard se portait vers le sud et se fixait sur un bosquet épais. « C’est là », songeait-il et il détournait les yeux.

Goha était sorti avec un projet défini. Il voulait se rapprocher de l’endroit si souvent entrevu afin de mieux admirer les grands arbres fruitiers, les mille cours d’eau, les oiseaux chanteurs et les femmes éternellement jeunes. Parvenu à un hameau où d’habitude il limitait sa promenade, la main en visière, il considéra le bosquet mystérieux. Comme toujours, son projet l’épouvanta. Il s’éloigna. Le hameau comprenait une cinquantaine de cabanes. Il était bâti sur un mamelon et, comme la plupart des villages égyptiens, était de forme circulaire. Des fellahas au buste droit en sortaient, une amphore sur la tête et le bas de leur tunique noire trainant dans la poussière. D’autres battait du linge au bord du fleuve. L’une d’elles rougit de honte en apercevant Goha et n’ayant pas de voile sur le visage releva sa robe pour se couvrir la tête.

— Je t’ai vue ! Je t’ai vue ! s’écria Goha en riant, et il pénétra dans le village.

Les cabanes étaient petites, à hauteur d’homme.

Des joncs rapprochés formaient la toiture que surmontaient de géantes cages à poules et des provisions de bois mort. Au passage de Goha partaient des exclamations des femmes surprises. Elles se réfugiaient dans leur demeure où on les entendait annoncer bruyamment la présence d’un étranger. Goha s’arrêta devant la porte d’une hutte minable.