Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/198

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nom, tu encombres ma marche. Nous sommes loin de la maison. Tu auras encore à revenir sur tes pas… Ce double trajet te fatiguera beaucoup…

Il s’arrêta, songeant : « il passera devant ». Il fit mine de s’asseoir mais ce n’était que malice. Soudain, il s’élança comme un possédé. Tant qu’il eut un souffle, il alla de l’avant. Épuisé, il s’arrêta, et près de lui, informe, tumultueux, implacable, se tenait le génie. Goha, secoué d’un frisson, se prosterna, les mains jointes :

— Ô Toi dont je ne connais pas le nom, sois gentil… Retourne chez la cheika et dis-lui que j’irai la voir… J’apporterai de l’eau et des fruits.

Ayant franchi le seuil de la maison, il referma prestement la porte. À la vue des divans, de la natte et de la gargoulette égueulée posée sur le rebord de la fenêtre, il reprit confiance. Il pouvait lever la main, frapper à volonté tous ces objets familiers, les briser. Il se croyait en sûreté parmi ces choses amies, parce que, soumises entièrement à son caprice, elles lui donnaient l’illusion que sa force était sans limites.

Le soir venu, Hawa entra dans la salle avec une lumière. Le génie monstrueux s’allongea sur le mur, et Goha bredouilla machinalement une prière.

— Que dis-tu, Sidi, entre les dents ?

— Hawa, les djinns !… Les djinns !…

À l’heure du coucher, l’ombre suivit Goha dans sa chambre. Il s’étendit sur son matelas, elle rampa le long de la cloison, au-dessus de lui. Quand la négresse vint prendre la lampe, l’ombre évolua, envahit le plafond, descendit sur le par-