Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/210

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

me fâcher. » Ne pouvant posséder de somptueuses pièces de damas ou de brocart, elle se contenta d’en ramasser des rognures, ne pouvant remplir ses coffres de cordons d’or, de broderies, de voiles, elle en collectionna des bribes. Mais, sur cette échelle modeste, ce fut une frénésie.

Il y avait trente ans que Hawa avait été acquise par le père de Mahmoud. Depuis trente ans dans la maison des Riazy, il n’avait traîné, ni par terre, ni dans un panier, ni sur un divan, le plus petit chiffon. Étoffes de coton, de laine, de lin, de soie, Hawa escamotait tout. On le savait dans la famille : les chiffons étaient pour Hawa. Elle en avait accumulé des tas avec une joie d’avare.

À ses heures de loisir, elle ravaudait. Minutieusement, elle rapprochait les coupures, combinait les couleurs, recherchait les contrastes locaux et l’harmonie de l’ensemble. Elle montrait avec orgueil une couverture à fond blanc bariolée de vert, de rouge, de violet, de jaune, d’indigo, et d’autres travaux secondaires. Mais son zèle, son intelligence se consacraient depuis deux ans à la confection de cette même gallabieh qu’elle venait de déplier.

— Ouvrez la porte ! Ouvrez la porte ! cria le perroquet contrefaisant la voix de Zeinab…

— La porte ? dit Hawa, il n’y a personne à la porte… Tu es un menteur, Bagba !

— Ouvrez la porte… Donne à manger… Tozz-Tozz-Tozz…

Hawa eut un soupir :

– À qui veux-tu que j’ouvre la porte ? Quand