Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/335

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— Alors c’est toi le souteneur de la négresse ?

Il ne répondit pas.

— C’est toi l’idiot ?

— Oui.

— Eh ! bien, ta place n’est pas ici… Va-t’en.

Goha se leva, traversa la rue et s’assit contre le mur qui faisait face à la chambre de Hawa, Par moment, des ombres apparaissaient sur les rideaux rouges. Goha, machinalement, détournait les yeux. Il savait que la négresse se prostituait pour subvenir à leurs besoins : L’avant-veille, d’une voix légèrement inquiète, elle lui avait fait part de ses projets. « Le tout, avait-elle dit, était d’attirer les hommes et de leur plaire. » Si elle y parvenait c’était le succès, la fortune. Lui l’avait approuvée d’un air grave, confiant dans la sagesse de sa nourrice.

Cependant, accroupi contre le mur, Goha, ce soir-là, ne parvenait pas à se réjouir quoique la négresse débutât par la visite d’un Effendi. Le visage morne, il murmura

— Hawa sera contente…

Il lui fallut un effort considérable pour ajouter :

— Moi aussi, je suis content…

Les rideaux qui pendaient à la fenêtre de Hawa sans cesse s’amplifiaient. Ils étaient animés d’une vie monstrueuse. Goha regarda le sol fixement. Le malaise qu’il éprouvait, il lui semblait que seuls ces rideaux en étaient cause et que, s’ils disparaissaient soudain, son malaise disparaîtrait du même coup.

Il y eut dans la rue un bruit de pas, des excla-