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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

de se plaindre avec humeur « Hadj-Mahmoud n’a pas eu de chance avec son fils… Ce garçon serait capable de passer la nuit dans Ghézireh. À supposer que je n’aille pas à sa recherche, personne ne penserait à lui… Ce serait bien fait… » Cependant il ramait de toutes ses forces, car malgré sa mine revêche et sa parole dure, Hadj-Abd-el-Akbar avait bon cœur.

Ayant atterri, il alla directement à l’endroit où il avait quitté Goha, près de la statue. Comme l’obscurité s’était épaissie, il ne le vit pas et se mit à l’appeler « Goha ! Goha ! ». Aussitôt une voix lui répondit

— Qu’est-ce que tu veux ?…

— Ce que je veux ?… Je veux te ramener… Cette fois Abd-el-Akbar ne reçut pas de réponse, il appela de nouveau « Goha, Goha », mais Goha ne donna plus signe de vie.

— Je suis bien bon, s’écria le pêcheur, de penser à un imbécile comme toi ! Tu ne veux pas me parler ? Eh bien ! reste, meurs de soif et de faim si ça te fait plaisir, moi je m’en vais…

Il s’éloigna résolument, mais après les premiers pas, il hésita de mettre sa menace à exécution. Il se dit que Goha était fou et que son devoir à lui était de le dépister et de le ramener. Il alla dans la direction que la voix lui avait indiquée et ne tarda guère à découvrir le fils de Mahmoud au pied de l’acacia, étendu sur le dos, les yeux grands ouverts. Il se pencha vers lui, le secoua. Goha se tourna sur le côté et sourit vaguement à Abd-el-Akbar.