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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

— Qu’est-ce que tu as ? demanda ce dernier non sans une légère inquiétude.

Goha pénétré par l’humidité de l’heure eut un tressaillement, puis il bâilla et s’étira. Le changement de son état d’âme ayant été brusque, il crut qu’il avait dormi et qu’il venait de se réveiller.

Il suivit enfin le pêcheur dans sa barque. Au cours de la traversée, ils échangèrent peu de paroles.

Goha pénétra dans la ville. Des quartiers solitaires, il passa aux quartiers populeux. Bientôt il longea les échoppes, les maisons, les mosquées connues depuis l’enfance, il vit surgir de tous côtés des visages indifférents ou hostiles. Il en éprouva de la déception et du malaise. Au coin d’une rue, des ouvriers, assis en rond par terre, l’interpellèrent.

— Viens nous dire si ce qu’il nous raconte est vrai, s’écria l’un.

Ambar, le maçon, qui était ainsi mis en cause, ajouta :

— Je leur raconte justement l’histoire de la casserole…

Mais Goha ne fit que les saluer de loin. Les ouvriers lui lancèrent des pierres, puis le cercle se resserra.

— Tu nous disais que la veille de Cham-el-Nassim Goha avait besoin d’une casserole…

— Il avait besoin d’une casserole, dit Ambar, et il alla la demander à son voisin Abd-Allah.

— Abd-Allah ! Je le connais, interrompit l’un des ouvriers. Il fait le commerce des peaux de moutons.