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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/325

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CONCORDATS

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obligatoire que lui reconnaissent les docteurs catholiques pour TEglise aussi bien que pour l’Etat. Ces derniers mots : utramque partent vere obligantis ne sont qu’un écho des déclarations des papes : ainsi ont parlé notamment Léon XIII, Pie IX et Pie VII ; et leur langage était celui de leurs prédécesseurs.

Mais, mieux encore que leiu" parole, leur conduite témoigne qu’ils savent ce qu’est le respect d’une signature. Depuis le concordat de Worms (i 122) jusqu’à la première loi Briand (igoS) les occasions n’ont pas manqué où, les Etats violant outrageusement la foi jurée, l’Eglise aurait pu, selon la rigueur du droit, regarder comme caducs des traités inobservés par lun des contractants. Jamais Rome n’a usé de ce moyen de protestation ; les papes n’ont jamais repris leur liberté, avant la rupture évidente. L’esprit évangélique de leur pastoral suprême le leur a interdit. L’éternité qui leur est divinement assurée les a toujours amenés à compter beaucoup sur le temps pour obtenir les justes réparations que le droit mérite. Des politiciens en quête de prétextes peuvent montrer, au sujet de la prétendue fragilité d’un induit, une sorte de terreur. L’histoire de tout le catholicisme montre combien sont puériles ces inquiétudes qui voudraient être tragiques. Pour si souvent qu’une brusque déclaration de guerre soit venue rompre la paix la plus solennellement promise, les nations ne laissent pas de négocier indéfiniment des accords. Comment ferait-on croire qu’il est imprudent pour un peuple de traiter avec l’Eglise qui jamais ne méconnut un pacte ?

Quand elle signe un concordat, elle y est fidèle. Voilà qui est certain. Par-dessus les disputes des auteurs qui chicanent sur l’essence scolastique des obligations de l’Eglise, un fait est dominant et évident : à ces obligations elle a fait honneur toujours. Cette épreuve du temps est décisive.

II. — Il parait superflu de cataloguer ici tous les traités conclus par le Saint-Siège avec les chefs d’Etat, depuis le moyen âge jusqu’à nos jours. Ce qu’on appelle les concordats carolingiens sont des actes bien loin de nous, de toute manière. Le concordat anglais de iio5, le concordat allemand de 1622, le concordat portugais de 1289, le concordat germanique de 1448, sans être d’allm-e moderne, ont cependant moins de dissemblances avec les traités signés à partir du xvi « siècle.

La querelle des investitures domine l’époque féodale. Les papes et l’Eglise en souffrirent cruellement, le mal sévissant dans toute l’Europe occidentale. En France, l’action des conciles suffit à le guérir. Mais par delà la Manche et surtout par delà le Rhin, il fallut autre chose. La lutte fut longue et âpre. Enfin, sous Pascal II, pour l’Angleterre, sous Calixte II, pour l’Allemagne, une transaction eut lieu : l’investiture laïque par le sceptre fut séparée de l’investiture ecclésiastique par le crosse et l’anneau. Par ce compromis, les prélats gardaient leur place dans la hiérarchie sociale, et l’indépendance de la hiérarchie ecclésiastique était affirmée. Ce fut la paix, jusqu’au jour où les prétentions de Frédéric Barberousse à Roncaglia (i 158) et celles de Henri II à Clarendon (1 16^) réveillôrent le conflit.

Tandis que se préparait laborieusement l’unité espagnole par la lutte contre les Maures et l’alliance des souverains du nord de la Péninsule, le royaume de Portugal, qui venait de concjuérir l’indépendance (iiSg), ne tarda guère à connaître les inconvénients de la guerre entre les deux puissances. Sans interruption, Sanche 1er, Alphonse II, Sanche II et Ali>honseIII, se mirent, comme à l’envi, à passer par-dessus les lois divines les plus saintes et les lois ecclésiastiques. Denys le Sage — dont la femme Elisabeth devait être

un jour canonisée — fit la paix avec les évêques par un traité que Nicolas IV confirma (1288). Le roi promettait de ne plus imposer aux prélats le renoncement à leurs bénéfices, de ne pas bannir ceux qui revendiquaient leurs droits, de ne pas gêner leurs communications avec le Saint-Siège, de laisser et même de faire exécuter les censures ecclésiastiques, de ne pas usurper les biens des hôpitaux ou les biens de l’Eglise, de ne pas troubler les élections aux bénéfices, d’exercer avec modération son droit de patronat, etc., etc. Cette énumération, qui est loin d’être complète, en même temps qu’elle révèle les bonnes dispositions de Denys le Sage, nous permet d’entrevoir à quels excès s’étaient jiortés ses prédécesseurs.

On connaît les conséquences lamentables qu’eurent pour la chrétienté l’exil des papes à Avignon (13051877) et les douloureuses complications du grand Schisme d’Occident (1378-1417). Les conciles de Pise (1401j), de Constance (1414-1418) et de Bàle (1431-1443) loin d’apaiser les dissensions, en auraient plutôt augmenté la gravité et perpétué les causes, en ébranlant la juste notion de la sous’eraineté pontificale, si la Providence n’avait eu pitié de l’Eglise. Finalement, les mandataires des nations catholiques au concile de Constance finirent par s’entendre sur l’élection de Martin V (1417), sur l’acceptation de sept décrets généraux (i 4 18) de réforme (portant sm- les exceptions de la juridiction épiscopale, les unions des monastères, les fruits des bénéfices vacants, la simonie, les dîmes et la conduite des clercs), sur la signature de trois concordats intéressant les Allemands, les Latins et les Anglais (i 4 18).

Ce dernier accord seul était ad perpetuam rei memoriam ; les deux autres étaient stipulés pour cinq années. Tous trois s’occupaient, en termes à peu près identiques, du nombre et des qualités des cardinaux. Aux Anglais il était promis, en outre, qu’on prendrait parmi leurs compatriotes quelques officiers de la curie romaine. Avec ce souci d’avoir une influence constante dans les conseils du Saint-Siège, les concordats de 1418 témoignent d’une certaine jalousie de sauvegarder l’indépendance de l’Eglise nationale des Anglais obtiennent que les incorporations de bénéfices n’aient point lieu sans l’assentiment des Ordinaires des lieux, et que le pape n’accorde plus de dispenses aux bénéficiers pour retarder leur promotion aux ordres ; dans les clauses du traité signé avec la France, il est dit que les dispenses seront octroyées sans rien entamer de la puissance pontificale, mais sans blesser non plus les privilèges de l’Eglise gallicane ; les Allemands et les Français ne paieront plus qu’un droit d’annates diminué.

D’autre part, en chacun des actes consentis par Martin V avec les différentes nations, des préoccupations particulières se remarquent. Les Anglais et Allemands ont soin de faire limiter la concession des indulgences ; les Français sont indifférents. Ceux-ci prennent garde par contre — comme aussi les Allemands — dérégler en détailla question des provisions de bénéfices avec ou sans réserve apostolique, avec ou sans droit de patronage ; les Anglais n’en ont cure. Les Allemands signent dos clauses sur la fulmination de rexconinuinication et l’extirpation de la simonie ; lias un mot là-dessus dans les concordats français ou anglais.

Le caractère proA’isoire de ces traités ne doit pas masquer leur importance ; et il faut dire de même des concessions que Martin V y consentit. Quand on compare le remède au mal, il convient de regretter, avec l’historien Pastor. que le nouveau pontife n’ait pas cru pouvoir user d’une plus grande énergie.

Mais aussi, au milieu de la crise qui travaille tout