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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/328

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CONCORDATS

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nétait pas dit. Dès la première heure, par les Articles organiques (dont l’inspiration appartient à Talleyrand et la rédaction à Portalis) le premier Consul montra qu’il entendait interpréter et compléter, de sa seule initiative, la convention faite. Les protestations du cardinal légat (i 8 août 1803), celles du pape en personne (24 mai 1802, 21 février 1800) n’y firent rien. Napoléon fut d’autant plus tenace à garder ce qu’il avait usurpé, que son orgueil, grandi avec son pouvoir, se trouvait appuyé par des siècles de gallicanisme parlementaire et royal.

La politique acheva d’exaspérer le conflit. D’après sa conception du rôle de l’Italie dans la guerre menée à travers l’Europe entière, l’Empereur avait hesoin que le maître des Etats romains devînt son collaborateur docile. Pie VH, avec raison et avec courage, se refusa à ce rôle. Il fut arraché du Quirinal, traîné à Savone, puis à Fontainebleau. L’excommunication de l’envahisseur sacrilège s’ensuivit, ainsi que le refus de poui’voir aux évèchés tant que la liberté ne serait pas rendue. Par des députations à Savone, deux commissions ecclésiastiques, un concile national, un nouveau concordat, Napoléon essaya de sortir de l’impasse où il était acculé. La servilité des évoques députés, la faiblesse des commissions, la défaillance même du pape semblèrent favoriser un instant ses desseins ; l’échec du concile et la rétractation de Pie VII remirent tout en question. Il fallut refl"ondrement de l’Empire pour terminer la querelle.

Malgré tout, l’Eglise de France s’organisa, se développa, reconquit quelques-unes des positions perdues. En 181 4, les évéques étalent convenablement logés, les chanoines payés, les séminaristes hospitalisés et favorisés de bourses, les congrégations hospitalières reformées et protégées : tous avantages que le concordat ne stipulait pas nommément. En revanche, la prédication, l’enseignement des séminaires, leur règlement et leur existence même, l’administration des diocèses étaient soumis à des surveillances tracassières, et à des lois ou circulaires des plus gênantes. Avec ces chaînes légales et ces ressources mesurées, on vécut pourtant et on fit beaucoup de bien.

Avec la Restauration, l’occasion se présenta d’un concordat nouveau. Louis XVIII préférait, par amour-propre de race, rattacher sa politique religieuse à François I^" plutôt qu’à Napoléon. Pie VII n’était pas sans désir ni sans espoir d’obtenir d’un fils de saint Louis des conditions plus équitables pour l’Eglise. Les négociations entamées à Rome entre le cardinal Consalvi et le comte de Blacas aboutirent à un instrument diplomatique signé le 4 juin 1817.

En voici les dispositions principales :

1° Le concordat de Léon X redevient la charte religieuse de l’Eglise de France.

2° Cependant les sièges créés en 1801 et leurs actuels titulaires sont conservés ; on pourvoira sans retard à augmenter suffisamment le nombre des évèchés ; et dans les nouvelles circonscriptions à établir, sera demandé au préalable le consentement des Ordinaires (ou des chapitres là où le siège est vacant ) auxquels on arrachera une partie de leur territoire ; il pourra même advenir que, pour des raisons graves, quelques évêques soient déplacés.

3 » Une dotation en biens-fonds et en rentes sur l’Etat sera constituée pour les diocèses, les chapitres, les séminaires et les paroisses érigés ou à ériger.

4° Bien que la restauration du concordat de 1516 n’emporte pas celle des abbayes, prieurés et autres bénéfices existant avant 8g, c’est d’après la teneur de ce concordat que seront établis les bénéfices que l’on pourrait fonder à lavenir.

5° Les articles organiques sont abrogés dans les

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points qui sont contraires à la discipline, et à la doctrine de l’Eglise ; le roi, d’accord avec le pape, mettra tous ses soins à supprimer tout ce qui dans le pays s’oppose au bien de la religion et à l’exécution des lois ecclésiastiques.

Le mauvais vouloir des libéraux, les intrigues du parlement, la faiblesse du roi, les menées des gallicans empêchèrent ce traité de devenir une loi de l’Etat. Il faut le déplorer pour la France : des dispositions aussi précises auraient peut-être empêché les gouvernements successifs d’entreprendre sur la liberté de l’Eglise autant qu’ils l’ont fait.

V. — Dans l’application du concordat napoléoniensla Restauration, la Monarchie de juillet, le second Empire et la troisième République eurent tous leurs" ^"’liem-es de mauvaise hiuneur et de mauvaise foi.’j^ ^

Il n’est pas un de ces gouvernements à qui V’ën ^’^ ne puisse reprocher des empiétements : tous ont joué f^"^ au théologien en déférant au Conseil d’Etat les mandements des évêques ; ils ont affecté de savoir mieux que le pape quels prélats ou quelles congrégations convenaient au bien de l’Eglise ; ils or : t. Ticrf » par des expulsions brutales ou des suspensions arbitraires de traitement, les religieux et les prêtres dont l’attitude ne leur revenait pas.

Ce serait pourtant une erreur de voir, dans les conflits politico-religieux survenus à travers tout le xix" siècle, une preuve que le régime concordataire devenait de jour en jour plus mal assorti à la société contemporaine. Le texte de 1801 aurait eu besoin d’être complété et précisé, à mesure que l’esprit chrétien et la sagesse diminuaient dans le gouvernement. Mais ni 1 état religieux, ni l’état social, ni l’état politique du pays ne réclamaient la rupture violente qui eut lieu en 1906. Envisager la formule célèbre /.Eglise libre dans l’Etat libre comme une évolution nécessaire de la formule concordataire, ériger le discours de Montalembert à Matines ou les articles de l’Avenir inspirés par Lamennais en règle générale (les temps nouveaux, c’est uniquement se laisser él)louir par le prestige de noms éclatants ou des mots sacrés par la science. Après le xviii" siècle encyclopédique et dix ans de révolution, la société française était bien moins religieuse qu’elle ne 1 est aujourd hui ; et celui qui devint au 18 brumaire le chef de 1 Etat était aussi vaguement chrétien que Thiers ou^n.-, ^ Carnot. Sous cette double hypothèse qui semblait ei » ^, |, devoir exclure l’application, ce fut pourtant la doctrine de la thèse catholique sur les rapports de l’Eglise et de l’Etat qui prévalut. Pourquoi n’aurait-elle pas prévalu, aux débuts du xx* siècle comme à ceux du XIX’siècle ? Si les ordonnances de 1828, la lutte d*^^, l’épiscopat contre le monopole, l’attitude des catholiques au sujet du pouvoir temporel ont pendant cinquante ans mis quelque embarras dans les relations „g.., de la Restauration, de la Monarchie de juillet et du.y{ second Empire avec Rome ; jamais ces gouvernements ne songèrent, pour autant, à déchirer le concordat. De même sous la troisième République : la question de l’entente franco-italienne, celle des congrégations ou celle des nominations épiscopales n’auraient point amené la rupture si chacune de ces difficultés n’avaient été provoquée ou exploitée en vue de la séparation.

Le divorce prononcé en 1906 est dû à la logique d’un vieux programme républicain, à la poussée maçonnique qui depuis trente-cinq ans surtout a si fortement influé sur le gouvernement de notre pays, à l’entraînement fatal que subissent tous les pouvoirs entrés dans la voie des violences, enfin à la passion audacieuse et folle de celui qui rompit en 1904 les relations diplomatiques avec le Vatican. Ce dernier acte fut décisif. Vu la peur de passer pour clérical, qui

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