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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/558

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DIMANCHE

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Loi du 13 juillet 1906, établissant le repos hebdomadaire en fas’eur des employés et ouvriers. — Nous en préciserons successivement la genèse, le caractère et la portée, les conséquences pratiques.

Le 6 avril 1900, M. Zévaès et plusieurs de ses collègues, reprenant une proposition précédemment déposée, demandèrent à la Chambre des députés de décider que les employés de commerce auraient droit à un jour de repos par semaine. La commission chargée d’examiner cette question, trouvant trop restreinte la proposition de M. Zévaès, étendit le bénéfice du repos hebdomadaire aux ouvriers et employés, sans distinction d’âge ni de sexe, de presque toutes les entreprises. Le texte de la commission fut adopté par la Chambre le 2^ mars 1902, mais subit d’importantes modilications devant le sénat, où la proposition fut discutée pendant plusieurs séances, en 1906 et 1906. Au cours des travaux préparatoires, la commission du sénat avait consulté de nombreuses délégations d’ouvriers et d’employés, qui avaient été unanimes pour réclamer le repos hebdomadaire, et reçut un grand nombre d’avis favorables, émanant d’importantes associations, telles que la Fédération des employés de France, la Fédération nationale des travailleurs de l’alimentation, la Fédération culinaire de France et des colonies ; de Syndicats ou groupes d’employés de villes de province ; de Chambres syndicales de différentes corporations ouvrières. — Les délégations patronales avaient également été entendues. La délégation des patrons, faisant partie du Conseil supérieur du travail, était d’accord avec la délégation ouvrière pour admettre l’intervention du législateur en cette matière. Les syndicats patronaux s’étaient partagés : ainsi s’étaient montrés nettement hostiles le sj’ndicat de la boulangerie de Paris, le syndicat général de la pâtisserie, le syndicat de la boucherie de Paris et du département de la Seine, la Chambre syndicale de la marine, etc. Il en avait été de même de certaines Cliambres de commerce, notamment de celle de Paris.

La loi nouvelle n’impose, en réalité, l’obligation du repos à personne : elle consacre le principe de la possibilité du repos hebdomadaire pour les employés et ouvriers, en interdisant aux chefs d’établissements de les occuper plus de six jours par semaine. Ce repos, elle le fixe au dimanche. — D’où une double conséquence. D’une part, le patron peut, sans être exposé aux sanctions de la loi, tenir son établissementouvert, au jour fixé pour le repos hebdomadaire, et en continuer l’exploilalion soit seul, soit avec l’aide des membres de sa famille non salaries. D’autre part, l’ouvrier pourra disposer du jour du repos, comme il l’entendra ; il aura même la possibilité de travailler dans un établissement similaire à celui où il travaille habituellement, si le repos y est organisé par roulement.

Voilà le principe. Suit toute une série d’exceptions autorisées, que l’on peut ramener à trois groupes. — i" catégorie d’exceptions. Lorsqu’il est établi que le repos simultané serait préjudiciable au public, ou compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement, ce repos pourra être suspendu et remplacé, soit par un roulement, soit par un repos compensateur, soit par une demi-journée du dimanche, complétée par une demi-journée un autre jour de la semaine. — 2 « catégorie d’exceptions. Celle qui accorde de droit le système du roulement. Il y a toute une catégorie de commerces et d’industries qui rentrent dans cette catégorie d’exceptions : toute l’alimentation, le commerce des denrées périssables — l’exception qui se justifie le mieux, — la vente des fleurs naturelles, les transports, — on ne remue jamais tant que le dimanche, — les industries qui

se rattachent à l’hygiène, les cabinets de lecture. Puis une formule générale, comme conclusion : sont comprises dans l’exception toutes les industries dans lesquelles une interruption du travail entraînerait la perte ou la dépréciation du produit en cours de fabrication. — 3’catégorie d’exceptions. Les industries au grand air, celles dont le fonctionnement est arrêté d’une façon presque constante par le cours des saisons, et puis celles où un surcroît d’activité est réclamé à certaines périodes de l’année. Dans ces commerces, le chef d’établissement est autorisé de plein droit par la loi à supprimer quinze repos hebdomadaires par an, quitte à les redonner dans la période de morte-saison.

Au point de Aue de la fixation du salaire, si la loi du 1 3 juillet 1906 interdit à tout chef d’établissement d’occuper plus de six jours par semaine un même ouvrier, elle ne lui impose pas l’obligation de payer à l’ouvrier le jour de repos. Mais cette règle, applicable au salair^p.aj’able « à la journée », ne l’est pas lorsqu’il existe un contrat de louage d’ouvrage, pour une durée déterminée ou non, avec stipulation de paiement du salaire à la semaine, au mois ou à l’année. Dans ce cas, le salaire reste fixé d’après la convention, tant qu’elle n’a pas été dénoncée. — Au point de vue de la ruptm*e du contrat de travail, lorsque aucune durée n’a été déterminée pour le louage de services, la résiliation ne saurait évidemment pas donner lieu à des dommages-intérêts, le refus par le patron de payer, dans l’avenir, le salaire du jour de repos hebdomadaire ne pouvant être considéré comme l’exercice abusif et préjudiciable du droit de résiliation. La même solution paraît devoir être adoptée en matière de louage de services avec détermination de durée.

En résimié. cette loi, qui ne vise que les employés et ouvriers, laisse de côté les patrons, et multiplie les dérogations, porte, dans son application pratique, de telles défectuosités qu’elle a suscité de nombreuses difficultés et bien des révoltes. Le Pouvoir lui-même estimait, dès 1907, qu’elle appelle des modifications. Le pays les attend toujours.

Action catholique. — Le rôle des catholiques au regard du dimanche a été surtout un rôle de propagande et de persuasion : ne disposant ni du pouvoir, ni de la force publique, ils ne pouvaient jouer qu’un rôle moral ; ce rôle, ils l’ont tenu avec efficacité. L’action incessante de la presse et de la parole, depuis une vingtaine d’années surtout, a secoué l’opinion. Des Ligues se sont formées ; les plus anciennes sont catholiques et ont montré la voie.

Née en 18b3, l’Association pour le repos et la sanctification du Dimanche compte parmi ses premiers fondateurs le R. P. Picard, MM. d’Olivier, de Roy s, Coppinger, Baudon, Bailloud, Mgr de Ségur. Honorée d’un Bref de Pie IX, du 21 décembre 1854, elle publiait, à partir de 1854, un bulletin mensuel, sous le nom d’Observateur du Dimanche, qui devient, en 1890, le Bulletin pour le repos et la sanctification du Dimanche, dirigé par M. Hubert-Valleroux. Elle reçoit, à cette occasion, les encouragements de Mgr Richard, archevêque de Paris (lettre du 5 mai 1890 à MM. Chesnelong et Keller). S. S. Léon XIII lui renouvcla, par bref du 15 avril 1890, les privilèges accordés par Pie IX à l’œuvre naissante. Sa fusion avec le Comité d’économie sociale et charitable, fondé et présidé longtemps par M. le vicomte de Melun, et devenu, en 1886, une section du Comité catholique présidée par M. Keller (1889), puis avec l’Association pour le repos du Dimanche dans l’industrie et le bâtiment. lui assura le concours d’hommes d’oeuvres et d’hommes du métier, aussi habiles que bons catholiques.