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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/575

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DOGME

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Ces distinctions rappelées, la doctrine catholique peut se résumer dans les propositions suivantes :

1° Le dogme est, avant tout, un énoncé intellectuel ; 2° // est cependant révélé en vue de l’action ; 3° // est compris surtout dans et par l’action.

Les deux dernières feront l’objet du § VII, Valeur de vie, col. 1143.

Le dogme, disons-nous, est, avant tout, un énoncé intellectuel.

Dire qu’il est cela e.vclusivement supposerait, ù tort, que le Christianisme n’est qu’une « sagesse ». ou encore une juxtaposition bizarre de doctrines et de pratiques, sans lien. Dire principalement donnerait à croire que la révélation a eu pour but de faire surtout des gens instruits. En disant avant tout, on exprime seulement, quel que soit son rôle comme règle d’action et notification de conduite, que le dogme ne remplit cet office qu’à condition d’être d’abord règle de pensée et notification de vérité.

A. Preuves théologiques. — Si l’argument de prescription a quelque part (pour les fidèles) tm emploi légitime, c’est, à coup sur, en pareil sujet.

Comme la différence est énorme. — soit théoriquement et en soi. soit comme stimulant d’action, soit tomme dignité et donc mérite de nos actes. — d’agir parce que l’on sait, ou de faire comme si l’on savait quelque chose sur Dieu, il est inadmissible que vingt siècles de Christianisme se soient trompés sur ce point. Or, si plusieurs de ces siècles ont pu donner dans un intellectualisme excessif, on peut assurer <iue pas un n’a admis le pragmatisme, sous quelque forme qu’on le propose (symboles de A. Sabatier, formules défensives de G. Tyrrell, surcrorances de M. W. James, recettes d action de M. E. Le Roy). Tous ont cru vraiment que les dogmes leur ax^prenaient quelque vérité.

a. L.a conduite des apôtres, à l’égard des trois classes de dogmes signalées plus haut, est significative : œ) Ils se donnent comme témoins des faits évangéliques et manifestement nous les livrent comme de l’histoire : Ad., i, 8 ; 11, 82 ; iii, 15 ; v, 22 ; x, 89 ; Luc, xxn-, 48 ; i, i-5 ; II Petr., i, 16 ; IJoa., i, i-4 ; iv, 14. jS) Pour les autres dogmes ils prétendent proposer un enseignement reçu, à garder et à transmettre, tel, en certains cas, que le Fils de Dieu, seul renseigné, pouvait seul en donner la matière, Joa., i, 18. Les épîtres témoignent, avec une préoccupation marquée de maintenir la morale chrétienne, un souci aussi vif de prévenir toute corruption des vérités qui la fondent, IJoa., II, ai ; v, 11, 20 ; Jud.. i^-aS.

/ ;. Le cas de S. Paul est instructif.

Même prétention à rapporter après les aiifres l’histoire exacte du Christ, / Cor., xv, i sq.

Pour les autres dogmes, a) sa notion de la foi est celle d’une sujétion ou d’une obéissance intellectuelle, // Cor., X, 5 ; Rom., vi, fj ; cf. Eplies., 11, 2 ; v, 6 ; ce n’est pas seulement une confiaiice aimante ; elle comporte une connaissance obscure par rapjiort à la vision, / Cor., xiii, 12. î) Son progrès dans la foi est un surcroît, non dépure confiance, mais d’intelligence, / C’o/-., II, 6 ; 111, 2 ; Coloss., i, io ; cf. flehr., v, 1…

v) Certaines épîtres ont pour but très net d’opposer thèse à thèse vg. la christologie chrétienne aux spéeidations gnostiques. Sans doute, en quelques cas, il se borne à interdire des rêveries sans profit, / Tint., I. 3, 4 ; Tit., iii, 9 ; Col., II, 4 ; vi, 16 ; mais « ce rejet des fausses représentations en suppose une véritable, la rappelle et la détermine d’autant ». De Grandmai>ox, dans le Bulletin de litt. ecclés., 1906, p. 196 ; et <l"ordinaire c’est par un surcroit de lumières qu’il combat la séduction des fables hérétiques : , /rf Coloss. ;

Ad Ephes. Le P. Lemoxnyer l’a noté judicieusement, dans l’épître aux Hébreux : « L’auteur pressent, semble-t-il, que la répétition incessante des vérités élémentaires est stérile et que seul un progrès dans l’intelligence du Christ peut assurer la persévérance de ses correspondants dans la foi et l’épanouissement de leur vie religieuse. » Epitres de S. Paul, 3"^ édit., Paris. 1906, t. II, p. 220. s) Le rapport de la foi à l’action s’accuse cliez lui. par cette division habituelle de ses lettres en deux parties, la première théorique, la seconde pratique et par son insistance à appuyer ses directions morales sur quelque point de la christologie. ô) Enfin, il a contribué, pour une très large part, à faire entrer dans la langue et dans la pensée chrétienne les notions de dépôt et de tradition. Voir les citations de S. Paul dans S. Vincent de Lérins, Commonit. I, n. 7, 21, sq., P. L., t. L, col. 648, 666 sq. En l’une et en l’autre, il ne voit pas seulement un rituel, un ensemble d’habitudes chrétiennes ; comme il les oppose à la pseudognose, ils constituent pour lui une gnose orthodoxe, donc une doctrine spécifiquement chrétienne.

c. La pratique de l’Eglise, à la considérer dans ses grandes lignes, trahit la même manière de voir. C’est, entre autres : k) l’importance donnée dans le catcchuménat primitif à la remise du Symbole, traditio Srmboli, cf. Vacant, Dict. de ihéoL, art. Catéchuménat. C’était le signe de l’initiation à l’enseignement du Christ, à « ses dogmes », en opposition à tous « les dogmes » qui partageaient les écoles et les sectes des Gentils ; /3) c’est surtout, dès l’origine. Tintention manifeste de ses formulaires de foi et des définitions de ses conciles : elle oppose orthodoxie intellectuelle à spéculation hétérodoxe et cherche à prévenir des écarts, non de pratique, mais de pensée, par des précisions de concepts et de mots.

Les dogmes ont donc, avant tout, aux yeux de la tradition chrétienne, une valeur de vérité. Qui les définit autrement, altère leur sens authentique et corrompt la foi ^.

B. Preuves philosophiques. — Cette valeur intellectuelle, la raison d’ailleurs la défend aussi comme toute première.

1. Par une illusion singulière, M. E. Le Roy a prétendu cependant n’apporter « aucun changement substantiel », parce que, au lieu de l’appliquer seulement à tel ou tel dogme, il étendait son interprétation pragmatiste à tous les dogmes également, « les rapports demeurant intacts dans l’égale transposition de tous les termes ». Rev. du clergé, 1907, t. LU, p. 217.

Ces raisonnements sont de mise en mathématiques, où l’on ne change pas la valeur d’un rapport en multipliant tous ses membres par un même nombre, d’une étpialion en la transposant dans un autre système, en musicjue, où l’on peut transposer dans une autre clef, etc., mais le cas ici n’est pas le même. Ce n’est pas la notation que transpose M, Le Roy — il conserve au contraire tout « le formulaire » dogmatique, loc. cit., — c’est la réalité notée, qu’il fait autre..ux mêmes mots il fait signifier, au lieu d’une vérité dogmatique précise, une attitude pratique impliquant une donnée intetlectuelle tftéologisal>le. Le changement de sens portant sur une seule formule ne modilierait qn’un dogme ; portant sur toutes, c’est toute la dogmatique chrétienne qui est transformée.

M. Le Roy doit en convenir, puisqu’il reconnaît avec ses contradicteurs que le dogme est exprimé en langage do sens commun, loc. cit., p. 2Il sq., et que pourtant linterprétalion du sens commun qu’il adopte date de M. Bertrson, i/jid. p. 214 sq., « dont l’univre admirable est le point de départ d’une profonde révolution dans les idées traditionnelles ». Hcfur de Métaphysique et de Morale, ISy.l, p. 727, puis qu’ayant concédé que le dogme est en dehors des systèmes, ilinterprète aujourd’hui tous les dogmes, à neuf, dans son propre système.