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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/660

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EGYPTE

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chute, perversité des premières générations, déluge, tour de Bal)el. A vi’ai dire, tous ces faits, si bien connus des annales babjlonicnnes. les dociunents égyptiens les ignorent. Ils ne font aucune mention d’une préhistoire asiatique, tout ce qu’ils racontent se passe en Egypte. Les Egyptiens, comme la plupart des peuples, mettent à leurs débuts une période de bonheur et de prospérité (cf. le mythe d’Osiris). Mais cette période d’une vie idéale, qu’ils placent sous le règne du glorieux Osiris, ne se ferma point en punition d’une désobéissance, elle finit avec la mort tragique du grand roi qui en était l’organisateur. Dans la suite, les Egyptiens avec un peu moins de félicité et quelques injustices en plus de la part de leurs gouvernants, continuèrent à remuer le sol de leur riche vallée. Leurs devanciers dans ce pays, les archers primitifs, refoulés sur les frontières, restés ennemis héréditaires, vinrent parfois troubler les jours heureux des paisibles agriculteurs, mais ceuxci saA aient aussi manier l’arc et les flèches, monter les chevaux et conduire les chars de guerre, ils furent toujours vainqueurs.

Une légende, gravée sur les tombeaux des rois de la XIX* et de la xx’" dynastie, parle d’une destruction des honmies tentée jjar les dieux. Rà régnait à Héliopolis, il apprend un jour que les hommes se pervertissent et blasphèment son nom. Il réunit aussitôt son conseil et, après délibération, il est décidé que la déesse Hathor ira venger la majesté divine en exterminant les coupables qui s’enfuient déjà sur les montagnes. La terrible guerrière ne s’acquitte que trop bien de son oflice et fait couler à flots le sang des Egyptiens. Rà effrayé en apprenant cet affreux carnage, et craignant de voir périr la race humaine, veut arrêter la déesse, il n’y parvient qu’en usant d’un stratagème. Il inonde toute la vallée, à une hauteur de quatre palmes, d’un liquide capiteux. Le matin, Hathor arrive, trouve la plaine couverte de ce liquide, elle y mire son beau visage, puis boit à satiété, s’enivre et ne voit plus les hommes. Rà en profite pour la ramener au ciel. — Un passage du livre des morts fait également allusion à une inondation qui couvrira tovite la terre. C’est le dieu Atoum d’Héliopolis qui parle : « Voici, je m’en vais défigurer ce que j’ai fait. Cette terre dcA’iendra de l’eaii par une inondation, comme elle était au commencement. C’est moi qui resterai seul avec Osiris, et je prendrai la forme d’un petit serpent qu’aucun homme ne connaît et qu’aucun dieu ne peut voir. Je vais faire du bien à Osiris, je lui donnerai le pouvoir sur le monde inférieur, son fils Horus héritera de son trône dans l’île des flammes » (cité par Naville, La religion des anciens Egyptiens, ). 187).

Ces deux légendes n’ont rien de commun avec le déluge biblique, elles appartiennent à la mythologie égyptienne, et rien n’autorise à leur attribuer une provenance asiatique. Elles germèrent, comme tant d’autres, dans les cerveaux féconds qui avaient inventé Aloum, Rà et Osiris. Cependant dans l’une et dans l’autre perce quelque analogie avec notre déluge. Dans la première, c’est la perversité des hommes et la résolution divine de les châtier et de les détruire ; dans la seconde, c’est le déluge ravageant la terre entière. Au reste, si grandes sont les différences qu’on ne peut en aucune façon songer à quelque dépendance.

B. Les Hébreux en Egypte

L Abraham. — « Facta est nuteni famés in terra, descenditque Abram in Aegyptum, ut peregrinaretar ibi » (Gen., xii, 10). Le voyage d’Abraham en Egypte n’est positivement confirmé par aucun document

égyptien. A cela rien d’étonnant, les annales égyptiennes, ainsi que celles de Babjdone, ne racontent guère autre chose que des Aictoires et des campagnes glorieuses, elles ne parlent des peuples étrangers que pour relater leurs défaites et leur soumission. Le voyage d’Abraham, le séjour des Hébreux, n’étaient pas des faits propres à flatter l’orgueil des Pharaons, on n’avait aucune raison d’en parler.

Abraham, pressé par la famine, partit pour l’Egjpte peu de temps après son arrivée en Canaan. On ne peut assigner une époque à ce voyage, avant d’avoir déterminé avec quelque pi-écision la date de l’existence même d’Abraham. Or cette date est encore loin d’être certaine, bien qu’avec beaucoup de vraisemblance elle doive se placer autour du deuxième millénaire avant Jésus-Clirist (cf. Coxdamix, Etudes, 20 mai 1908, p. 485-501). Ce point serait-il acquis par la chronologie babylonienne, on ne pourrait dire encore avec certitude quel fut le Pharaon qui reçut Abraham. Nous savons, en effet, que la chronologie égyptienne, surtout pour ces temps reculés, est tout à fait indécise et que l’écart entre les dates proposées par les égyptologues varie de i^lusieurs centaines d’années. Peu importe d’ailleurs la dj’uastie, xi% xii’ou xiii% et le nom du Pharaon, Ousirtasen ou Aménémhat, ce qu’il convient de noter et de mettre en relief, c’est le caractère intrinsèfque de vérité qui brille dans le récit biblique et qui est une éclatante confirmation de sa valeur historique.

1° Abraham descend en Egypte avec toute sa famille. Ce n’était pas la première fois que les Egyptiens voyaient arriver chez eux une caravane de Sémites, ce fait les avait tellement frappés qu’ils ont voulu en conserver le souvenir. Le tombeau d’un seigneur de la xii* dynastie, Khnoumhotep, à Beni-Hassan en Moyenne-Egypte, contient précisément dans sa décoration un tableau représentant une de ces cai’avanes arrivant dans la vallée ; elle « compte, hommes, femmes, enfants, trente-sept personnes. Quand même l’inscription ne le dirait pas, on ne peut se tromper sur la race, à leurs traits, à leurs vêtements multicolores, à leurs armes. Ils ont le nez fortement aquilin, la barbe des hommes est noire et pointue, leurs armes sont l’arc, la javeline, la hache, le casse-tête et le boumerang. Si la plupart des hommes n’ont pour vêtement que le jjagne bridant sur la hanche, le chef porte un riche manteau, les femmes, de longues robes de bon goût et de belle élégance, le tout rayé, chevronné, quadrillé de dessins bleus sur fond rouge ou rouges sur fond bleu, semé de disques blancs centrés de rouge. Des ânes portent le mobilier. Un autre àne est muni d’une sorte de selle à bords relevés où sont assujettis deux enfants. C’est le grand veneur Néferhotep qui a rencontré ces Amou (xVsiatiques), le scribe royal Khéti les a aussitôt inscrits et, en les présentant à son maître, il lui transmet la requête du chef de la tribu, Abi^pa. Celui-ci demande à s’établir sur les terres du Pharaon. En signe de soumission, il ofl’re les produits du désert, du kohl, un bouquetin et une gazelle. Knoumhotep le reçoit, lui et les siens, avec le cérémonial usité pour les personnages de distinction » (Camille Lagier, Die t. de la Bible, fasc. xxxi, col. ig4, 195).

2° Sara fut enlevée pour le compte du Pharaon ; c’est chose trop fréquente dans l’histoire que ces sortes d’enlèvement. Plusieurs faits analogues nous montrent le goût des Egyptiens pour les Syriennes : un fils de Ramsès II, Samentou, accepta une fille sémite dans son harem ; le roi Aménophis II avait reçu trois princessesde mêmerace, dont l’une, comme suite, avait amené trois cent dix-sept compagnes ; le gouverneur de Jérusalem sous la xviii’dynastie.