Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/661

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1305

EGYPTE

1306

Abkliiba, rappelle qu’il a envoyé vingt et une esclaves au Pharaon (cf. C. Lagier, loc. cit.).

Pharaon, châtié, rend à Abraham son épouse. La religion égyptienne était sévère sur ce point, et tout défunt, pour entrer dans l’Eden, devait pouvoir affirmer qu’il n’avait point eu de commerce avec une femme mariée (voir Religion égyptienne).’5" Pharaon rend donc Sara à Abraham, lui fait de nombreux cadeaux et le renvoie en Asie. Détail digne de remarque, parmi ces présents, moutons, bœufs, ânes, chameaux, tous animaux représentés sur les monuments contemporains et antérieurs, ne paraît pas le cheval, qui ne fut introduit que plus tard en Egypte, sous les Hyksos, croit-on.

Ainsi le voyage d’Abraham, bien qu ignoré encore des documents anciens, se trouve en parfaite harmonie avec les mœurs, les usages, les faits connus de ce temps.

II. Joseph en Egypte. — Pour toute l’histoire de Joseph, comme pour celle d’Alji’aham, nous n’avons aucun document égyptien, en lovanche il est reconnu et admis de tous que le récit bibliqueporte toutes les marques de la vraisemblance et se distingue par une couleur nettement égyptienne.

1. La date. — Joseph étant l’arrière-petit fils j d’Abraham, la date de son arrivée en Egypte dépend de celle qu’on assigne à son aïeul. Or ni l’une ni l’autre de ces deux dates n’est encore déterminée avec quelque précision. D’aprèsune tradition que rapporte Jean d’Antiociie (Hist. græc. f’ragni., édit. Didot,

t. IV, p. 555), les Hébreux descendirent en Egypte sous les rois Pasteurs, et au rapport de Georges le Syxcelle (Chronographie, édit. Dindorf, 182g, p. 204), Joseph aurait été élevé à la dignité de vizir par un Pharaon nommé Apapi ou Apophis. Tous les rois de ce nom — on en connaît deux ou trois — sont des Hyksos de la dernière époque, c’est-à-dire, des Hyksos égyptianisés de la xvi-^ d} nastie. Le fait est possible, l’intervalle qui sépare la xii° ou la xiii" dynastie de la xvi* correspond à peu près à celui qui existe entre Abraham et Joseph. Il a même quelque probabilité, on comprend mieux la faveur de Joseph, de Jacob et de toute sa famille auprès d’un roi sémite, d’origine asiatique, qu’auprès d’un Pharaon indigène ; l’établissement des Hébreux dans la terre de Gessen eut certainement lieu à uneépoque de paix et de tranquillité publique, avant cette longue guerre de l’indépendance que les princes de Thèbes entreprirent contre les Hyksos et qui se termina par la défaite et l’expulsion de ces derniers, le triomphe des Egyptiens et la domination sur toute la vallée d’une dynastie indigène, la xviif. Ce n’est pas dans de pareilles conjonctures que des Asiatiques auraient été bien accueillis en Egypte. Le moment le plus favorable est bien le règne des Pasteurs (xv* ou plus prol)al)lement xvi’dynastie), ainsi que le suppose la tradition.

2. Analogies égyptiennes. — i) Joseph est sollicité au mal jjar la fennne de Putiphar, il résiste cnergiquement et, sur une fausse accusation, il est jeté en prison. Une histoire semblaljle est racontée dans le

« conte des deux frères », roman coniposé plus tard

sous le règne de Ménejihtah pour l’instruction du prince qui fut Séti II. En voici la substance : Il y avait une fois deux frères dont l’aîné s’ajjpelait Anoupou, et l’autre Bitiou ; le premier était marié, le second ne l’était pas, il vivait avec son frère en guise de serviteur, gardant les bestiaux, travaillant aux champs. Un jour que les deux frères étaient ensemble occupés aux semailles, loin du village, les semences vinrent à manquer. Anoiq)ou dit à Biliou : Va, cours à la maison et apporte-nous des seuiences.

Bitiou partit, il trouva la femme de son frère, assise à se coiffer. Debout, dit-il, donne-moi des semences. Elle lui dit : « Va, ouvre le magasin et prends ce qui te plaira. » Bitiou coiu’t au magasin, renqjlit son sac de blé et s’apprête à repartir. La femme arrive et l’arrête : « Viens ! reposons ensemble, si tu m’accordes cela je te ferai de beaux vêtements. » Bitiou indigné bondit « comme une panthère du midi », reprit vertement sa belle-sœur d’une pareille proposition et partit pour les champs. L’autre ne lui pardonna jias ce refus méprisant. Le soir, quand on rentra, la maison était dans les ténèbres, point de lumière, point d’eau pour se laver les mains comme d’habitude, Anoupou trouva sa femme étendue sur le sol, déchirée, échevelée, poussant des cris : Qui donc t’a parlé, lui dit-il. — Personne autre que ton frère, répondit-elle. Cependant, Bitiou rentrait tranquillement les bestiaux. Averti d’une manière merveilleuse de ce qui se passait, il prit immédiatement la fuite et n’échappa à la poursuite de son frère que par une intervention des dieux (cf. Maspero, Les contes populaires de l’Egypte ancienne, Paris, 1889, p. 5-32. ViGOLROix, La Bible et les découvertes modernes, t. II, p. 43-57).

2) Les songes de Pharaon, les sept vaches grasses et les sept vaches maigres, les sept épis pleins et les sept épis desséchés, la convocation des magiciens, tout cela est franchement égy^itien. « La sorcellerie avait sa place dans la vie courante, aussi bien que la guerre, le commerce, la littérature, les métiers qu’on exerçait, les divertissements qu’on prenait… Le prêtre était un magicien… Pliaraon en avait toujours plusieurs à côté de lui. » (Maspero, Les contes, préface, p. xLVi.) L’élévation de Joseph, un serviteur, un étranger, à la dignité de premier ministre, avec des pouvoirs presque royaux, est certainement une faveur peu commune. Elle s’explique par les circonstances extraordinaires. Elle est la récompense de l’interprétation des songes du Pharaon, un Hyksos, un Asiatique, un étranger lui aussi, interprétation qui a eu le plus grand éclat, après l’échec de tous les magiciens du pays, et qui a pour toute l’Egypte de si grandes conséquences. Au reste, des faits analogues sont constatés sous les dynasties indigènes elles-mêmes. A la cour de Ménéphtah. un Cananéen du nom de Ben-Matana occupe un poste élevé. Deux esclaves arrivèrent à être l’un surintendant des domaines d’Amon-llà, l’autre procureur du Pharaoa (cf. L.vgier, Dict. de la Bible, fasc. xxxi, col. 199).

La famine n’est pas chose inconnue dans les annales égyptiennes. Nous en trouvons une mentionnée précisément sous un roi hyksos, Sef[enen-Uà III. un contemporain de Joseph, peut-être. Un des officiers de ce roi, Bebj’, après avoir énuméré ses qualités et ses serA’ices, parle ainsi : « Ami du dieu des moissons, vigilant au temps des semailles, je recueillais la moisson et lorsque s’élevait une famine durant plusieurs années, je distribuais le blé dans la cité à quicon(iue avait faim. » (Garrow Dincan. The exploration of Egypt and tite Old Testament, p. 76.)

3) Lorsque Joseph a été reconnu par ses frères, Jacob descend en Egypte avec toute sa famille, et Pharaon leur donne la terre de Gessen. Ce pays est nommé dans les textes égyptiens conlcmporains et même antérieurs, au temps des Hyksos il était probablement cultivé et canalisé (cf. Liebleix, L’Exode des Hébreux, dans Proceedings of tlie Soc. of bibl. Archæology. 1899, vol. xxi, p. 53-5^). C’est la région actuelle de la Basse-Egypte, appelée Ouadi Toumilàt, couq)rise entre Zagazig et Ismailia, vallée fertile

« piand elle est bien arrosée, où se voient Tell-el-kebir, 

Tell-Uolàb, Tell-cl-Maskhoula l’ancienne Pilum (Plii-Ihom), le centre du pays de Tliukut (Socoth). Plus