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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/704

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JESUS CHRIST

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quia le plus étudie la question, et que met Lors de pair sa connaissance de toute la théologie cLrétieniie, y compris (chose inliniment raie chez les protestants, et qui a trop manqué à son rival M. Harnack) la théologie médiévale, M. Reinhold SEEiiEiir, , de Berlin, ne donne pas ce qu’il semblait promettre d’abord '. Partant du mystère de la Trinité, et observant très justement que la notion de « personne », appliquée à ce mystère, est fondée sur les relations des Termes divins, M. Seebbro pense que la « divinité » de Jésus a été constituée par un influx, une énergie, une sorte d' « idée-force x divine, faisant, de l’homme Jésus de Nazareth, l’organe de Dieu, son instrument pour la fondation sur terre du Royaume des cieux. Jésus n’eut d’autre personnalité que son humaine personnalité ; mais la volonté personnelle de Dieu collaborait de telle sorte avec la sienne, que la vie de Jésus devenait, en quelque manière, une seule chose avec la volonté personnelle de Dieu. Tout en utilisant au début certains éléments traditionnels authentiques, cette théorie n’est pas sans rapports avec la vieille hérésie des Adoptianistes, que M. K. Seeberg traite d’ailleurs avec faveur dans son Traité d’histoire des dogmes-. Quoi qu il en soit, elle paraît à M. Loofs, auquel j’ai emprunté plusieurs traits de ce bref exposé, trop déhnie, trop allirmative, trop explicite sur la façon dont l’inhabitation divine dans le Christ a fait de Jésus de Nazareth le médiateur indispensable entre Dieu et les hommes. M. Loofs lui-même, adoptant en les modifiant certaines idées delvAEHLEB, s’arrête à une conception analogue, mais plus vague : la personne historique du Christ a été une personne humaine, seulement humaine ; mais enrichie, transformée par une inhabitation de Dieu (ou de l’Esprit de Dieu) d’un caractère unique, qui restera inégalée à jamais, et a fait de Jésus <i le Fils de Dieu », révélateur du l'ère et initiateur d’une humanité nouvelle. Un écoulement, une elTusion, une inhabitation divine analogue, mais inférieure, sera le lot final de ceux qui sont rachetés par le Christ 3. Si l’on demande de quelle nature était cette inhabilalion, cet écoulement divin, M. Loofs répond : mystère !

198. — En résumé, les théories « continentales » des protestants conservateurs abandonnent carrément ce que l’Eglise catholique a toujours considéré comme la pierre d’angle du dogme de l’Incarnation. Pour les auteurs que j’ai cités, et ils font autorité dans leurs Eglises, la personne de Jésus ne fut qu’une personne humaine. Un inilux, un don, une effusion de l’Esprit de Dieu survint, analogue à l’inspiration prophétique, mais d’une espèce plus haute, d’une richesse plus large, et ainsi créatrice de prérogatives plus singulières. Jésus de Nazareth est un homme divinisé, d’une façon mystérieuse, mais capable de lui conférer la dignité de « Fils de Dieu ", et les pouvoirs conséquents que nous connaissons par les Ecritures. A parler proprement, il ne faudrait pas dire : « la divinité du Christ », mais « la Divinité dans le Christ. » Pour bien faire, il ne faudrait plus adorer le Christ, mais Dieu dans le Clirist. Kt c’est avec une grande tristesse que nous enregistrons ces conclusions, si étrangères au christianisme authentique.

199. — Il n’est pas sans intérêt, ni sans importance,

1. M. R. Seekebo a exposé ses idées sur ce point dans son ouvrage Die Crund^valu heiien der christlichm lieligion' Leipzig, 1910, et le mémoire Wer ivar Jésus ? inséré dans le second tome de son recueil d’articles Aus Religion und Geschichte, II, Leipzig, lyOi), p. 228 sqi|.

2. Lehrbuch der Dngmengesclnchte--^, Leipzig. III, iyi ; i, p. Ô3-Ô8.

3. L : i-des8us, la dernière lecture de What îs ihe J’rnth (ibout JesuK Christ ?, spécialement pp. 2'2H-2'(1.

de remarquer que ces solutions nouvelles données au problème christologique en arrivent — nonobstant l’insistance de leurs auteurs responsables sur le coté mystérieux de la question — à atténuer ou même à supprimer le mystère de l’Incarnation. C’est ce qui permet de croire que ces auteurs sont guidés loin des voies traditionnelles par un rationalisme inconscient. Que Jésus de Nazareth ait été investi par une grâce meilleure, une inspiration du genre prophétique, mais d’une intensité unique, il n’y a là en effet qu’une question de plus ou de moins. Il n’y a pas de mystère nouveau, proprement dit, ajouté à celui que pose la conversation amicale du Créateur avec ses créatures raisonnables.

SOO- — La position catholique du problème ou pour mieux dire, la position chrétienne ignore ces timidités : elle tient et proclame que l 'union, dans une même personne, préexistante comme telle, de deux éléments, de deux principes d’action distincts, de deux

« natures » — la divine et l’humaine — est un m) stère

qui passe l’esprit de l’homme. Il ne saurait donc être question de justifier directement la doctrine de l’Incarnation, de la montrer, par raisons intrinsèques, comme la seule véritable. Se Wer à Jésus de Nazareth, Seigneur et Fils de Dieu, d’une façon inconditionnée, en matière religieuse, sera la dernière conclusion de ce travail. Un pas plus avant mènera vers l’Eglise chrétienne catholique, dépositaire et interprète de la doctrine authentique du Christ', et c’est d’elle que nous recevrons, sans crainte d’erreur, le dogme de l’Incarnation.

201. — Toutefois, et sans prétendre l’imposer d’autorité comme la solution, mystérieuse mais assurée, du problème de Jésus, il n’est pas interdit, et il sera très opportun de résumer ce dogme dans ses grandes lignes. Non seulement il formule celle de toutes les solutions historiquement présentées qui a réuni le plus d’adhérents, au plus juste titre, mais lui seul, à vrai dire, fait bonne justice aux données de la redoutable énigme. De l’aveu du professeur J. Betuunb Baker, « quiconque accepte pour de l’histoire, au sens ordinaire du mol, ce qu’implique le quatrième évangile (et même la teneur complète des trois autres) louchant la conscience du Christ durant sa vie terrestre, n’a pas à se préoccuper d’une refonte de la doctrine traditionnelle. Si tels sont les faits de la vie de Notre-Seigneur, et si cet homme fonde sa doctrine sur les faits, il n’arrivera pas à une coordination meilleure que celle de la christologie traditionnelle 2. »

202 — Les lecteurs de ce travail savent par l’introduction pourquoi nous avons le droit de considérer et, sur le terrain apologétique où nous nous confinons, dans quelle mesure nous considérons les documents évangéliques comme de l’histoire. Nous n’avons pas eu besoin de presser cette valeur substantielle jusqu'à l’inerrance du détail pour dresser, des revendications messianiques de Jésus, un tableau d’ensemble qui ne laisse pas de place au doute. Des actes du Sauveur, et en particulier des « signes « (qu’on nous permette ici d’anticiper sur les conclusions du suivant chai)itre) ressort une lumière qui interprète les déclarations et les effusions transcrites plus haut. . ce cvté transcendant et surhumain de l’Evangile, la qualité de Seigneur et de Verbe divin reconnue au Maître de Nazareth fait pleine justice. En elle se présente une clef qui ouvre chacune des chambres où luit, dans l’obscurité du texte, la lampe sacrée.

1. 'oif dans le présent Dietinnnaire l’article Eglise, par Y. de la Bkiéke, vol. I, col. 1219-1301.

2. The Person of Jésus Christ, dans le Journal of théologie, :  ! Studios, XV, octobre ly13, p. 111-112.