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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/63

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MARIAGE ET DIVORCE

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dans les Etals dont le code admet rempêcliement d’impuissance.

En quoi consista l’abus ? En ce que, dans diverses oflicialités diocésaines et dans certains tribunaux civils, les juges voulurent que l’examen des organes fût précédé immédiatement d’une tentative de consommation du mariage — congressiis — constatée par ceux-là mêmes qui devaient ensuite procéder à l’examen, par les médecins et les matrones. Y eut-il vraiment con^ressHs en public, sous les yeux des témoins ? Il ne semble pas. Cabassut, qui donne les détails de la procédure (luris caiionici Iheoria et praxis, 1. lii, c. xxx, n. 6), rapi>orte que, dans la chambre même où les époux se trouvent « in lecto cortinis cireumvallato », au moment de l’épreuve, se tiennent seules les matrones et les sages-femmes ; les médecins sont dans une chambre voisine. Apres épreuve, l’examen de la femme est fait par les femmes ; celui du mari, par les hommes. De son côté, SoUHiER, président du Parlement de Dijon, écrit dans son Traité de ta dissolution du mariante pour cause d’impuissance : « On ne peut nier que la pudeur ne soit alarmée au seul nom de « congrès ». L’idée que s’en forment la plupart des gens augmente encore l’horreur qu’on en a naturellement. Ils se figurent que les mariés sont exposés à cette épreuve en présence de témoins à la façon des cyniques et, sur cela, on ferme les oreilles à tout ce qui peut servir de justification à cette procédure. »

Procédure condamnable, point de doute, mais qui ne semble pas cependant avoir atteint le degré d’odieux qu’on lui a parfois attribué.

Du reste, à qui incombent les responsabilités ?

En faveur du congres, on a pu produire quelques rares textes de canonistes, qui le tenaient pour acceptable, parce qu’il leur paraissait nécessaire (Cf. San-CHEZ, de Matrimonio, 1. VII, d. log, n. 15). On ne peut apporter aucune loi, aucune instruction émanée de Home. L’abus, car abus il y eut, a été de courte durée, puisqu’on ne le constate guère que dans la seconde moitié du xvi* siècle el qu’il disparait dans la dernière partie du xvii’siècle. De plus, il a été très localisé. On ne le constate qu’en France, et encore dans quelques provinces, « in quibusdara Galliæ provinciis », dit Cabassut, /. c : il est d’ailleurs le fait, à la foie, des tribunaux civils el ecclésiastiques, dans une proportion qu’il est impossible de déterminer. Enlin, et les réclamations el la réaction efîeclive ont commencé à peu près aussitôt que l’abus s’est répandu. Sanchez, /. c, cite l’appréciation de SoTo, qu’il fait sienne : n II est souverainement honteux de recourir à des témoins oculaires » (turpissime adhiberi lestes oculatos). Pour son compte, il qualifie la pratique de « aljsolument honteuse et contraire à l’honnêteté naturelle… Aussi je la déclare illicite. » (Res turpissima el omnino honeslali nalurali adversa… Quare nec id licilum esse judico.) Il fait d’ailleurs observer, l. c, que « il n’y a aucun texte qui ordonne celle pratique ». (Nec est le.> ; lus i<l jubens.)

Le Parlement de Paris supprima cette procédure, par arrêt du 18 février 1677 ; mais déjà les juges ecclésiastiques d’Arles, vers 16()0, avaient refusé, à une femme qui la réclamait, l’épreuve du congrès ; el le Parlement d’Aix leur avait donné raison contre l’appelante. Le Parlement de Grenoble, d’après Cabassut, avait aussi rejeté cette épreuve, et diverses officialilés ecclésiastiques en agissaient demème. Cf. Cabassut, /. c ; voir Esmkin, Le mariage en droit canonique, t. II, pp. 37.5-284. Paris, Larose, 1891.

d) Casuistique du mariage. — On reproche enfin à l’Eglise sa casuistique du mariage, soit dans les

livres et l’engeignement, soit au confessionnal. Il y a, prélend-on, une offense à la nature et aux bonnes mœurs à faire étudier au futur prêtre des matières dont le détail est, pour lui, inconvenant et dangereux. Il est encore plus criminel de lui faire traiter, au confessionnal, des sujets sur lesquels leur caractère absolument intime devrait même lui interdire d’arrêter sa pensée.

Triste nécessite, convenons-en, pour le prêtre librement voué à la chasteté, que d’arrêter sa pensée, au cours de ses études, sur des sujets si opposés à ses goûts personnels el à ses obligations les plus impérieuses. Mais il est de son devoir professionnel d’étendre ses connaissances aussi loin que s’étend le bien et le mal. Parce qu’il représente, au confessionnal, le souverain Juge auquel rien n’est caché, il est lui-même juge de toute faute, si intime qu’elle puisse être. El pour pouvoir juger, il doit pouvoir, en toute action humaine, discerner le bien et le mal. Or qui oserait nier que l’usage du mariage, à raison des intérêts engages — la vie ou la mort de la race humaine — soit sous la dépendance de la loi morale ? Qui a l’esprit chrétien, doit comprendre ce caractère de la vie conjugale el les conséquences qui en découlent i)our le tribunal de la pénitence. Qui n’est pas chrétien, s’il veut être vrai el juste dans son appréciation de la conscience du prêtre, doit se mellre au point de vue chrétien el s’y tenir dans ses jugements. Il faut encore observer, si on ne veut pas avoir deux poids et deux mesures, que le médecin du corps, et dans ses éludes el dans l’exercice de ses fonctions, a une autre manière que le ])rêtre de franchir, dans la i)ratique, les limites de la vie intime.

On peut pourtant admettre sans difliculté que certains auteurs de morale ont poussé jusqu’à une minutie exagérée le souci d’être complets el précis. Quand on sait, par ailleurs, ce que fut leur vie privée de prêtres ou de religieux, on ne peut, sans injustice évidente, voir dans ces exagérations une débauche raffinée d’imagination morbide. De bonne foi, on n’y peut trouver qu’un manque de mesure qui nous choque, à cause de nos habitudes deréserveplusgrande. Cet excès s’explique peut-être, de leur part, précisément par ce fait que leur indifférence el leur détachement, en ces matières, leur assurait i)lus de liberté d’esprit : omnia manda maudis.

Quant au prêtre, s’il cherche à être précis et complet dans ses études, c’est afin de pouvoir être plus sobre de paroles dans son ministère. Mieux il saura ce qu’il doit savoir, plus il lui sera possible d’être réservé, puisqu’il comprendra à demi-mol, ou qu’il devinera, ce qu’on insinue à peine. Sa conscience lui fait un devoir d’être d’autant plus chaste dans sa manière de traiter un sujet, que celui-ci l’est moins. Pour le détail el pour la rigueur de l’enquête, lorsqu’elle est nécessaire, il doit toujours avoir présente à l’esprit celle règle formulée par, S. Alphonse :

« Mieux vaut rester souvent en deçà des justes limites, 

que de les dépasser une seule fois. »

Sur celle objection que le confesseur, pour remplir son rôle déjuge, doit intervenir dans l’intimilé même de la vie conjugale, outre ce qui vient d’être dit, voir plus haut l’art, de M. TAUDiÊnE sur la Famille, col. 1882.

BiBLioGHAPHiE. — Abram, l’Evolution du mariage, Paris, 1908. — Caslelein, Droit naturel, ^amiir, igoS.

— Gasparri, Tractntus canonicus de Matrimonio, Paris, 1893. — Hergenroether-IIollwecli, /.eltrbuch des Kntholischen Kirchenrechts, Fribourg-lîr., 190.5.

— Meyer, Institiitinnes juris naturalis, Fribourg-Br. , 1900. — Monsabré, /.e y/rtri’flije, Paris, 1899. — Palmieri, De Matrimonio clirisiiano, Rome, 1880.