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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/39

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POSSESSION DIABOLIQUE

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sier, en contact plus fréquent avec les gentils ; saint Jean, qui raconte le ministère du Sauveur surtout en Judée, no mentionne aucun cas de possession.

De nos jour ; ?, dans les pays inlidèles, les manifestations visibles du démon doivent être de même beaucoup plus générales que chez nous. Et, en ellet, les témoignages de plusieurs siècles et au-dessus de tout soupçon, que nous apporterons, ne laissent aucun doute sur la vérité des faits, et le lecteur ne sera pas étonné de la parole récente d’un missionnaire, qui passa douze ans en Mongolie, et qui nous disait : « Vos savants d’Europe révoquent en doute l’intervention et l’existence même du démon : si je m’avisais de faire la même chose dans nos pays inlidèles, tout le monde se récrierait, et les hommes sérieux hausseraient les épaules ; et si vos savants passaient quelque temps avec nous, ils seraient confus d’avoir jamais soutenu leur thèse incrédule. »

Dans les pays chrétiens, rien d’étonnant que l’intervention visible du démon soit plus limitée. Son pouvoir est restreint par Dieu lui-même, et sa tyrannie est combattue efficacement par tous les moyens spirituels que l’Eglise met entre nos mains. Knlin le démon, étant un être d’une intelligence et d’une puissance supérieures, choisit ses moyens suivant les circonstances, pour servir ses intérêts. Il n’y a pour lui aucune chance d’arriver à se faire adorer par les peuples d’Europe, comme autrefois par les païens ; il a, au contraire, intérêt à se cacher, et à faire nier même son existence. Mais il a son intervention invisible, la tentation sous toutes ses formes ; ensuite, il a ses adeptes, les impies, qu’il inspire, sans même qu’ils s’en doutent. Et certes, de nos jours, il ne faut pas être bien clairvoyant pour apercevoir l’action du démon et ses plans bien combinés dans l’œuvre de la franc-maçonnerie.

Mais ensuite, n’y a-t-il pas aujourd’hui même quelque manifestation visible du démon ? Etrange contradiction des incrédules, due à la fourberie du père du mensonge ! Tandis qu’il éloigne les uns de l’Eglise en leur faisant nier son existence, il enserre les autres dans les pratiques du spiritisme. Aucun homme sérieux ne saurait nier universellement cette magie ou cette démonolâtrie moderne des spirites, qui sont érigés en secte, en religion du démon. Si le seul doute de l’existence du démon empêchait nos incrédules de devenir enfants ûdèles de l’Eglise, nous leur dirions de se renseigner, à Paris même, sur les pratiques spirites, sans s’en rendre complices : ils seraient bientôt convaincus de l’existence des esprits. Ils devraient seulement se garder de croire au mensonge de ces esprits, qui se font passer pour les âmes des morts, et qui prêchent que les peines de l’enfer ne sont pas éternelles ; ce sont-là leurs mensonges habituels.

Nous en venons maintenant aux arguments de notre thèse, qui sont les suivants : d’abord les arguments tirés des Evangiles, ensuite les témoignages des Pères de l’Eglise, mais les uns et les autres considérés comme simples documents historiques ; en troisième lieu, les témoignages plus récents au sujet des pays de mission.

I. Les Evangiles*. — Nous employons les Evangiles comme simples livres historiques. Aucun savant sérieux, même rationaliste, ne conteste plus l’authenticité des Evangiles, ni la bonne foi de leurs auteurs. Tout se réduit, entre les incrédules et nous, à l’interprétation du texte, et à la question de

i. Le sujet a déjà été traité dans l’article Jesus-Ciihist, §j 3î5 à 333, ci-dessus, t. II, vol. 146o-1464.0n nous permettra de renvoyer à ces pages qui renferment, avec d utiles compléments, la plus récente littérature relativement aux possessions diaboliques dans l’Evangile.

savoir si les auteurs ne se sont pas mépris de bonne foi sur la nature des faits, dont ils ont été les témoins ou dont ils sont les narrateurs.

Pour couper court à toute espèce de chicane, nous allons rappeler tous les passages des Evangiles, dans lesquels il est question des possessions diaboliques. Ces passages peuvent se ranger sous les dix-huit chefs suivants’ :

l’Le possédé de Capharnaum (Marc, I, 23-a8 ; Luc, iv. 33-33). …

a* Guérison de démoniaques à Capharnaum (Malt., viii, 16 ; Mare, 1, 32-34 ; Luc, iv, 40-41).

3* Jésus parcourt la Galilée en prêchant, suivi d’une grande foule, et il guérit les malades et chasse les démons [Marc, 1, 3cj. Cf. Malt.. iv, a4 ; Luc, iv, 4a-44).

4* Les possédés de Gerasa ou de Gadtra (Malt., viii, 2834 ; Marc, v, 1-20 ; Luc, viii, a6-30.).

^ 5* Jésus délivre un muet démoniaque, les pharisien ! l’accusent de chasser les démons par Béelzebub (Mail., ix, 32-34).

6* Guérison de malades. Jésus rejette le témoignage des démons parlant par la bouche des possédés (il/arc, iii, 1012 ; Matt., xii, 15-21. Cf ci-devant a*).

7* Jésus guérit les malades et délivre les possédés parmi les foules, avant le sermon sur la montagne (Luc, VI, 18-19).

8* Guérison de malades, de possédés et d’aveugles, devant les disciples envoyés par saint Jean-Baptiste (Luc, vii, ai).

9° Le possédé muet et aveugle ; Jésus se défend d’être démoniaque et de chasser le démon par Béelzebub (Matt., XII, 22-45 ; Marc, ni, 20-30 ; Luc, xi, 14-a6. Ci. Jean, ir, 20 ; vm, 48-52 ; x, 19-21).

io’Quelques saintes femmes suivent Notre-Seigneur, après qu’il les eut guéries et délivrées du démon, entre autres, Madeleine, dont sept démons avaient été chassés (Luc, viii, a. Cf. Marc, xvi, 9).

ii* Les apôtres reçoivent le pouvoir sur les démons, et exercent ce pouvoir (Matt., x, 1-8 ; Marc, vi, 7, 12 et 13 ; Luc, îx, 1).

ia* La possédée, fille de la femme chananéenne (Matt., xv, 22-28 ; Marc, vii, 25-29).

13* Le fils unique possédé, lunatique, sourd et muet (Matt., xvii, 14-21 ; Marc, ix, 13-28 ; Luc, ix, 37-44) 14* Jésus corrige l’orgueil et la jalousie des apôtres, concernant leur pouvoir de chasser les démons (Marc, ix, 3739 ; Luc, ix, 49-50).

15° Les soixante-douze disciples se réjouissent de l’efficacité de leur pouvoir sur les démons (Luc, x, 17-20).

16 » La femme courbée et tourmentée par l’esprit malin depuis dix-huit ans (Luc, un, 11-17).

1 7’Les pharisiens annonçant à Jésus qu’Hérode veut le tuer, le Sauveur en appelle à ses guérisons et à son pouvoir sur les démons (Luc, xiii, 32).

18’Jésus, immédiatement avant son ascension, annonce que les fidèles, entre autres dons miraculeux, auront le pouvoir de chasser le démon en son nom (Marc, xvi, 17. Cf. Acte des Apolret, y, 16 ; viii, 7 ; xvi, 16 et suiv. ; xix, 11 et suiv.).

De l’ensemble de ces textes évangéliques, nous pouvons déduire facilement et à l’évidence deux propositions :

i° Les évangélistes nous représentent les démoniaques comme possédés du démon, dans le sens propre et usuel de l’Église, et nullement comme des personnes atteintes de simples maladies naturelles : ils ne supposent pas le moins du monde que toute maladie était causée par un esprit malfaisant. — Voilà pour ce qui regarde l’interprétation des Evangiles.

a° Toute méprise de bonne foi de leur part est impossible. Pour nier que, du temps de Jésus-Christ, il y eût des possédés du démon, il faut donc refuser toute créance aux Evangiles. Pas de milieu. — Voilà pour ce qui regarde la question de savoir si les évangélistes ne se sont pas trompés de bonne foi.

1. Nous suivons l’ordre chronologique, et la concordance des deux plus grands interprètes des Evangiles, Luc de Bruges et Jansénius de Gand, qui sont ici parfaitement d’accord.

Tôt

IV.